Pourquoi avoir écrit un livre sur Jean Balladur ?
Il y avait une carence de monographies sur Jean Balladur. J’ai réuni une importante documentation au Centre d’archives et d’architecture du XXe siècle, aux archives de l’Hérault et à La Grande Motte.
Sa famille m’a communiqué un manuscrit de 500 pages sur sa vision de l’architecture, des carnets de croquis, des photographies, et ses passeports – avec les tampons de ses voyages, si importants dans son œuvre. Ses écrits permettent de lui donner la parole, d’éclairer sa personnalité, son travail et sa -réflexion très profonde sur le débat architectural de son temps. Il inaugure la postmodernité.
Qu’est-ce qui caractérise son approche ?
Peu d’architectes ont eu, comme Balladur, la confiance de la maîtrise d’ouvrage, de l’Etat et des collectivités locales pendant trente ans. Il a tout contrôlé : plan d’urbanisme, type d’immeubles, mobilier urbain, choix du paysagiste et des plasticiens. Cette continuité a permis une grande cohérence.
Comme Le Corbusier, Balladur voulait noyer l’architecture dans la nature et la mettre au service de l’Homme. Il a créé une ville-sculpture à l’architecture cinétique, en jouant avec le dessin des résilles de voile de béton blanc des façades et le contraste des fonds de loggias peints de couleur vive.
Il savait aussi s’entourer d’artistes. Des exemples ?
Jean Balladur était en effet à l’écoute de la création artistique. Dans le cadre du 1 % culturel, budget dédié à une œuvre d’art dans tous les bâtiments publics, il avait choisi de jeunes artistes pour orner la ville.
Parmi eux, Michèle Goalard – à qui l’on doit le mur des méditations du Point Zéro, la passerelle des Lampadophores, le jardin des vagues de la grande pyramide, la place du Cosmos et la place de l’Homme – et Albert Marchais – qui réalise La Navigarde aux pieds de la grande pyramide : 19 figures de proue en béton, de 6 m d’envergure.
À l’époque, quel a été l’accueil de la profession et du public ?
Il a été très négatif de la part des architectes, qui ont critiqué ce « Sarcelles-sur-mer » et reproché à Balladur une architecture de décor peu sérieuse. Il a été dubitatif du côté des promoteurs parisiens. L’adhésion du public, en revanche, a été immédiate !
Les appartements achetés sur plans à des promoteurs locaux sont partis très vite. Ces « pionniers », savaient-ils que les travaux dureraient plus de 20 ans ? En tout cas, ils ont fait un bon placement, les bâtiments vieillissent bien et la végétation est en pleine maturité. Aujourd’hui, avec le regard distancié de l’histoire, les jeunes architectes trouvent cet ensemble fantastique. Depuis 2010, c’est toute la ville qui a été reconnue haut lieu de l’architecture balnéaire, et labellisée “Patrimoine du XXe siècle”.
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50 ans déjà
L’histoire de La Grande Motte s’écrit dans les sables désertiques d’une zone marécageuse. Créée ex-nihilo à partir de 1962, elle est la star d’un projet pharaonique d’aménagement du littoral entre Montpellier et l’Espagne. Son architecte, Jean Balladur, a trouvé au Mexique et en Egypte l’inspiration pour édifier une architecture symbolique dans un béton immaculé adoptant toutes les formes, résistant aux embruns et peu onéreux.
Autour du port, sont sortis de terre pyramides et pyramidions au Levant, conques de Vénus au Couchant. Le mystérieux Point zéro, est un des points stratégiques de la grande Motte avec ses commerces, ses bars et les bâtiments administratifs de la ville. La passerelle des Lampadophore et ses 12 figures de ciment qui portent la lumière est la porte d’entrée symbolique de cette ville où il fait si bon vivre l’été !
À lire
Professeur d’histoire de l’art spécialisé dans l’architecture à l’Université Bordeaux-Montaigne, Gilles Ragot travaille sur l’architecture moderne des années 20-30, ainsi que sur la période 1950-60, les années de la reconstruction. Il a rédigé deux ouvrages importants sur La Grande Motte et Jean Balladur :
• Jean Balladur, une pensée mise en forme, dans la collection Carnets d’architectes des Éditions du patrimoine, présente son oeuvre riche et complexe ;
• La Grande Motte : patrimoine du XXe siècle, chez Somogy, retrace l’histoire du site, de 1962 jusqu’à sa labellisation “Patrimoine du XXe siècle” en 2010.