Entre 1950 et 1965, la construction d’un nouveau siège social s’impose pour les éditions Mondadori : le nombre de leurs employés est passé de 335 à 3000 ! Giorgio et Arnoldo Mondadori souhaitent confier le projet à l’architecte Oscar Niemeyer. En effet, Giorgio, au cours d’un voyage à Brasilia, a été séduit par le palais d’Itamaraty, également appelé « palais des arches », que Niemeyer a dessiné en 1962 pour abriter le ministère des Affaires étrangères. Situé juste à côté du Congrès national, il s’orne d’une longue colonnade régulière. En 1968, l’affaire est conclue, et le Palazzo Mondadori sera inauguré en 1975, après quatre ans de travaux. Longtemps après, l’architecte se souvenait des débuts : « Giorgio Mondadori me demanda de réaliser le siège de sa compagnie à Milan avec une colonnade similaire à celle de Brasilia. J’ai accepté mais j’ai fait un bâtiment totalement différent avec un ordre différent dans la séquence des arcs, créant, pour ainsi dire, un rythme musical… » Cette rupture de rythme, qui transgresse la convention architecturale de la symétrie, va créer une harmonie parfaite de forme et de structure en jouant avec le béton, l’acier et le verre.
Un cœur de verre et d’acier dans une enveloppe de béton
Le principe de construction est le même à Brasilia et à Milan : un volume de verre et d’acier de plusieurs étages, inséré dans une plus grande structure à colonnade de béton se réfléchissant dans un plan d’eau.
Toutefois, alors qu’au Brésil le cube de verre est posé au sol et indépendant de son enveloppe carrée, en Lombardie il est suspendu par des poutres en acier à la coque en béton armé, qui forme un parallélépipède de 200 x 30 mètres doté de multiples arches paraboliques aux sections effilées. La toiture est composée d’une double dalle, et l’armature métallique dans son ensemble comporte une série de poutres transversales correspondant aux portails et deux poutres orthogonales auxquelles sont attachées les 56 traverses du cadre. Une ossature de 24 tonnes ! On a utilisé des coffrages avec des tubes d’acier de 25 mètres de haut pour couler le béton des arches. Celles-ci ont des portées irrégulières qui créent des ouvertures lumineuses allant de 3 à 15 mètres de largeur.
Deux autres structures basses présentent une forme ondulante et organique. Elles accueillent différents services administratifs et semblent flotter au milieu de la pièce d’eau de 20 000 m2 : un contraste dialectique entre volumes haut et bas caractéristique de l’œuvre de Niemeyer.
L’éloge de la générosité du béton
Assistant du Corbusier sur plusieurs projets avant de prendre son indépendance, Oscar Niemeyer, décédé en 2012 (à 104 ans !), faisait l’éloge de la courbe, face au « maître de l’angle droit ».
En 2005, il évoquait son rapport avec le béton : « Le vocabulaire plastique du béton est tellement fantastique que tout a changé depuis. Grâce à sa légèreté, un monde aux formes nouvelles a surgi. Ce qui me plaît le plus dans le béton, c’est sa générosité. Déjà Baudelaire disait que dans une œuvre d’art, le plus important était la surprise, et c’est ce qui est pour moi fondamental. C’est le béton qui suggère la courbe en architecture et qui souvent l’impose. »
Niemeyer avait une affection particulière pour le siège de Mondadori, qu’il désignait comme son préféré parmi ses travaux en Europe. Avec plus de 600 constructions à son actif, universellement connu comme l’architecte de Brasilia, il a longtemps vécu à Paris, créant le siège du Parti communiste – place du Colonel Fabien -, celui du journal L’Humanité, la Bourse du travail à Bobigny et le spectaculaire Volcan – maison de la culture du Havre. Figure majeure de l’architecture moderne, Niemeyer a été lauréat du Pritzker Prize en 1988 et a reçu la Légion d’honneur en 2007.