Au nord de Bordeaux, sur les bords de la Garonne, le quartier Bacalan est au cœur de l’ancienne zone portuaire et industrielle de la ville. En 1958, la Société des Grands Travaux de Marseille y a édifié huit silos pour l’Huilerie Franco-Coloniale. Jusqu’en 1969, on y stockait les graines oléagineuses destinées à produire des millions de bouteilles d’huile chaque année.
Au début des années 1970, le quartier est désaffecté mais les silos, éléments phares du patrimoine bordelais, échappent à la destruction. Peu à peu recouverts de lierre, ces géants de béton hauts de 35 mètres et d’une capacité de 15 000m3 témoignent avec nostalgie de la prospérité des Trente Glorieuses. Depuis les années 2020, protégés par les Bâtiments de France et reconnus par l’Unesco au titre du patrimoine industriel, ils ont fait l’objet d’une restauration particulièrement originale. Avec la construction sur le site de l’hôtel **** Renaissance, ils ont retrouvé leur splendeur et – plus insolite – ils accueillent le plus haut mur d’escalade de France.
« Depuis le rooftop de l’hôtel, au 9e étage, nous regardions les silos et un ouvrier alpiniste qui était en train d’enlever les graffitis. J’ai fait observer “Regardez, vous avez un mur d’escalade devant vous”, l’idée a plu et nous avons décidé d’étudier l’affaire. »
Cédric Decaudin, directeur de l’hôtel Renaissance.
De la grimpe sur les silos
Cédric Decaudin rappelle la genèse du projet : « L’idée est venue pendant les travaux de l’hôtel. Nous faisions un tour de chantier avec quelques responsables de notre réseau HIVELY Hospitality. Depuis le rooftop de l’hôtel, au 9e étage, nous regardions les silos et un ouvrier alpiniste qui était en train d’enlever les graffitis. J’ai fait observer “Regardez, vous avez un mur d’escalade devant vous”, l’idée a plu et nous avons décidé d’étudier l’affaire. » Sans réseau, ni contacts dans le milieu de la grimpe, le projet prendra quelques années : le temps long des autorisations administratives, des recherches, de la mise au point d’un budget, des études sur la solidité du béton et du concept de la grimpe.
Tester la solidité du béton et des prises
Le premier projet proposé s’arrêtait à 16 mètres. « Nous trouvions ça frustrant. De plus ce projet envisageait d’habiller les silos avec de grosses structures en bois… ça coûtait très cher et n’allait pas forcément être validé par l’urbanisme, pour qui les silos doivent rester des silos », poursuit Cédric Decaudin.
Finalement, la conception est confiée à l’architecte et ingénieur Ferran Yusta Garcia, de l’agence Cube. Passionné d’escalade, il préside l’association Grue – Grimpe de rue, qui réinterprète le potentiel vertical du patrimoine des grandes villes. Il prend en main l’étude de solidité du béton des silos, fait des recherches, des tests d’arrachement et dessine les voies. La compagnie Adrenaline est chargée d’exécuter les travaux.
« Ferran nous a proposé de percer le béton et de mettre les prises directement dessus, raconte Cédric Decaudin. Comme nous voulions respecter le site et rester discrets, nous sommes partis sur des prises grises de couleur béton pour éviter d’avoir des prises bariolées jaunes, vertes… Ferran a proposé d’entourer les prises de joints siliconés de couleur pour repérer les voies, une première mondiale. Les prises sont scellées chimiquement, les inserts dans lesquels on les visse ne nécessitent pas un contrôle annuel. En revanche, les dernières prises, tout en haut, là où les cordes sont accrochées et viennent s’enrouler, sont vérifiées tous les ans. »
Ouvrir les voies en toute sécurité
Sous la houlette de Ferran Yusta Garcia, 34 voies d’escalade sont ainsi créées en moins de deux mois, dont 20 à 33 mètres de hauteur – et 25 relais d’escalade. Les hauteurs de grimpe s’élèvent progressivement : 8 mètres, 12 mètres, 20 mètres… et jusqu’à 33 mètres avec, en récompense, une vue à 360° sur Bordeaux. Pour les pros, deux voies longues “en dièdre” sont spécialement aménagées à la jonction de parois de béton.
« Nous avons décidé de créer les voies sur l’un des silos qui donnent sur la partie jardin de l’hôtel, et non sur la partie rue. Pour ne pas déranger le voisinage et pour la sécurité. Les voies utilisent au total trois silos, l’un nous appartient, les deux autres appartiennent au groupe Legendre, qui a fortement contribué à la réussite de ce projet ».
Il restait à trouver un partenaire pour gérer le site d’escalade : « Nous sommes hôteliers et restaurateurs, pas grimpeurs, tient à souligner Cédric Decaudin. Comme on parle d’escalade à 33 mètres de haut, nous voulions vraiment offrir un service sécurisé. L’UCPA Sport Station, installée sur l’autre rive de la Garonne, nous a proposé d’assurer la gestion du site, et nous sommes convenus qu’à partir du moment où un client touche le mur d’escalade, il est entre les mains de l’UCPA. Tout ce qui est avant VertiGina relève de la responsabilité de l’hôtel Renaissance. » Les moniteurs de l’UCPA assurent l’initiation, la sécurité et proposent douze niveaux de difficulté adaptés à tous.
Cédric Decaudin est un directeur enthousiaste et heureux : « Nous avons ouvert VertiGina en juillet 2024. Un an plus tard, on va attaquer la deuxième saison le 12 avril. Les voies d’escalade sont fermées l’hiver à cause de la météo. Autant l’hôtel que les murs de grimpe sont très fréquentés. »