Conçu par l’architecte français Roger Taillibert (1926-2019) pour accueillir les épreuves de cyclisme et de judo des JO d’été de 1976, le vélodrome de Montréal a connu plusieurs métamorphoses.
En effet, en raison de son abandon progressif par les sportifs, la décision fut prise de remodeler entièrement ses espaces pour y accueillir un musée dédié aux milieux naturels d’Amérique : ouvert en 1992, à l’occasion des 350 ans de la ville, le « Biodôme » devient très vite l’un des lieux les plus visités de Montréal et du Canada.
Près de trente plus tard, il fait peau neuve, repensé par les architectes de l’agence Kanva pour amplifier l’expérience immersive des visiteurs. L’ancien temple des sports a retrouvé sa splendeur…
Un casque de béton
Vestige du vélodrome, et pièce maîtresse du musée, son toit profilé évoque un casque de cycliste : il est composé d’une vaste coque en béton précontraint de 172 mètres (et 41 000 tonnes !) tenant en équilibre sur quatre appuis, sans support intermédiaire, afin d’éviter des piliers gênant la visibilité des spectateurs.
Cette toiture est une véritable dentelle de béton, dotée de lanterneaux qui laissent entrer la lumière à flots.
En 2019, l’ingénieur Raymond T. Cyr se souvenait : « Cette voûte sphérique autoportante était vraiment un exploit. Pendant le chantier, la toiture avait été montée sur des échafaudages immenses, sans aucun appui intermédiaire. Au fil de l’évolution des travaux, on prenait conscience chaque jour plus fermement de la merveille architecturale que cela constituait. C’était d’une beauté inouïe. La structure de béton était l’une des plus complexes du monde entier, et il a fallu faire preuve d’inventivité pendant toute la durée des travaux. »
Un sanctuaire pour la biodiversité
Un chef-d’œuvre qui a été préservé, tout comme l’essentiel de la structure du bâtiment, pour aménager le premier Biodôme, inauguré le 19 juin 1992.
Ce sanctuaire accueille plusieurs milliers d’espèces animales et végétales. Dès sa création il joue un rôle capital dans la promotion des espèces menacées auprès du grand public.
Les zoos d’autrefois sont révolus : l’enjeu n’est plus la distraction des visiteurs mais leur sensibilisation à la fragilité de la nature.
Le Biodôme est divisé en cinq habitats distincts, présentant divers animaux, températures et saisons.
Ces caractéristiques sont prises en compte pour concevoir en béton et en béton projeté les espaces animaliers, les arbres et tout particulièrement les rochers. Ainsi, on imite le basalte pour les îles subantarctiques, le schiste pour les côtes du Labrador, le granite pour le golfe du Saint-Laurent, le gneiss pour l’érablière des Laurentides et le calcaire pour la forêt tropicale.
Un bassin contenant 2,5 millions de litres d’eau de mer recrée les paysages marins et accueille plus de 20 espèces.
« Migration 2.0 » : le Biodôme renouvelé
En 2014, le projet « Migration » est initié pour repenser la scénographie des habitats et la circulation des visiteurs. L’agence Kanva – un cabinet d’architecture multidisciplinaire basé à Montréal – remporte le volet « Biodôme renouvelé » d’un concours international d’architecture. En 2018, ils entreprennent un chantier d’envergure.
D’un point de vue programmatique, Kanva commence par cibler les espaces qui pourraient être transformés afin de maximiser la mise en valeur du patrimoine architectural du bâtiment. Le positionnement d’un nouveau noyau au centre de l’édifice, combiné à la démolition du plafond particulièrement bas du hall d’entrée permet d’apprécier l’échelle monumentale du bâtiment.
Dès son arrivée, le visiteur découvre ainsi la structure d’origine du vélodrome, ses gradins et son impressionnante toiture.
« En enlevant certaines portions des gradins et en privilégiant des espaces plus ouverts, l’architecture unique du vélodrome se révèle et la lumière naturelle fuse. On redonne ainsi un peu de dignité à cette architecture patrimoniale et phénoménale de M. Taillibert », souligne l’architecte Rami Bebawi.
Afin de structurer ce grand espace ouvert qui constitue aujourd’hui le cœur du bâtiment, Kanva conçoit une paroi textile entièrement blanche, qui enveloppe les écosystèmes et accompagne les visiteurs à travers l’espace.
Pour Rami Bebawi, « le blanc réduit les stimuli. Nous avons ajouté une légère pente dans le tunnel d’entrée, qui est très subtile, mais qui permet de ralentir le pas. Les visiteurs peuvent ainsi faire le vide avant de s’approprier les nouvelles expériences sensorielles. » Et de préciser : « S’élevant jusqu’à près de quatre étages, la paroi constitue un outil très puissant. Elle est extrêmement emblématique de l’espace, et sa simplicité et son unité soulignent et magnifient la structure de béton d’origine. »*
Deux passerelles rejoignent une mezzanine en traversant la forêt tropicale humide et le golfe du Saint-Laurent.
Un motif de satisfaction pour Yves Paris, directeur du Biodôme : « Ces passerelles et la mezzanine donneront accès à la canopée de la forêt tropicale où fourmillent autant d’animaux qu’au sol ». La visite n’est plus linéaire.
L’équipe de Kanva a beaucoup travaillé avec les biologistes et les vétérinaires afin de mieux comprendre les habitudes des différentes espèces, et avec succès : le Biodôme est aujourd’hui le seul endroit au monde à reproduire le cycle des saisons en intérieur, les plantes de la forêt tropicale s’autorégulent, les manchots pondent sur leur banquise et les castors construisent eux-mêmes leurs huttes !
Une application mobile à télécharger guide les visiteurs dans leur découverte des écosystèmes.
À la sortie, l’exposition « À moi d’agir » présente aussi des initiatives inspirantes provenant des quatre coins du monde pour améliorer l’état de la planète. De quoi intéresser toute la famille !
* Source : v2com newswire