Quelle est votre approche de l’architecture ?
Benjamin Cros : Mon associé, Rémy Leclercq, et moi, avons une approche empirique. Plutôt que d’être dogmatiques, nous préférons nous appuyer sur l’expérience et l’observation, pour maintenir une cohérence dans le temps long d’un projet.
Il n’en reste pas moins que nous avons d’abord été marqués par les maîtres modernes – Le Corbusier, Mies, Kahn –, puis par des voyages d’études dans le Tessin, en Suisse, et au Portugal, prolongés ensuite par l’enseignement de Pierre-Louis Faloci qui fut notre professeur à l’ENSA de Paris-Belleville.
Après notre diplôme, Rémy et moi avons tous les deux travaillé en agences, puis sommes revenus en 2016 sur notre terre natale, l’Ariège, et avons fondé notre propre atelier à Toulouse.
Diriez-vous que votre travail sur le château de Foix est représentatif de votre approche ?
B. C. : Il ne la résume pas forcément, mais c’est un projet qui nous occupe depuis 2016, et qui a été central pour nous, alors il finit par l’avoir en partie façonnée. Il a confirmé et approfondi notre intérêt pour le rapport au site, au paysage et au déjà-là, comme matière indissociable du projet. Un tel projet représente d’ailleurs un enseignement, au point qu’on peut s’interroger : est-ce la démarche qui détermine le projet ou l’inverse ?
Quels ont été vos partis pris ?
B. C. : Le conseil départemental de l’Ariège souhaitait faciliter la montée jusqu’aux terrasses panoramiques du château, tout en faisant du palais comtal, qui est en bas, un musée des comtes de Foix. Notre parti pris avec nos partenaires de l’agence Antoine Dufour Architectes a été de s’adapter au mieux à la complexité géométrique et physique du site, en mettant en valeur les différents points de vue vers le paysage qui rythment le parcours d’ascension. Pour cela, nous avons réaménagé le parvis, conçu le musée en restructurant entièrement l’intérieur du bâtiment existant et imaginé deux édicules d’ascenseurs, de 17 m chacun, adossés aux murs de soutènement des rampes existantes du XIXe siècle, dans lesquels vient se fondre leur géométrie. Le premier a été achevé en 2020, le second le sera fin mars 2025.
Comment avez-vous utilisé le matériau béton ?
Qu’il s’agisse des voiles verticaux des ascenseurs, des revêtements de sol du parvis ou de l’intérieur du musée, nous sommes partis d’une formule identique, que nous avons adaptée selon les configurations : il lui arrive donc de contenir des pierres, d’être sablé, bouchardé, poncé, ou simplement décoffré. Pour nous, le projet du château de Foix a été l’occasion d’apprendre et d’expérimenter les différents savoir-faire et mises en œuvre du béton.
Est-ce un matériau auquel vous recourez souvent ?
B. C. : Nous y sommes sensibilisés de par notre culture initiale du projet. Il est ancré inconsciemment en nous. C’est un matériau économique dont on peut rarement se passer, et c’est heureux car il présente des qualités exceptionnelles, permettant de répondre, au-delà des contraintes règlementaires, aussi bien à la pérennité structurelle de l’ouvrage qu’à différentes sortes de dimensions plastiques.
Pour notre part, nous nous intéressons plus particulièrement au béton coulé en place, coffré, qui fait appel à des savoir-faire artisanaux bien spécifiques. Nous en avions déjà fait l’expérience our notre premier projet, un restaurant scolaire à Pamiers, dans l’Ariège, qui a reçu le prix de la Première Œuvre de l’Equerre d’Argent, décerné par AMC-Le Moniteur. Le béton est également mis en valeur sur plusieurs autres de nos projets, réalisés ou en cours : la restructuration de la Citadelle de Mont-Louis, la réhabilitation de l’ancienne Ecole Normale de l’Ariège ou encore l’opération de logements collectifs du quartier Saint-Martin-du-Touch, à Toulouse.
Quelle sera la place du béton dans l’architecture de demain, selon vous ?
B. C. : Ce n’est pas une question facile. On l’utilise sous différentes formes depuis la création du Panthéon, à Rome, et il demeure un matériau incontournable de la construction aujourd’hui, après avoir été entre autres un élément déterminant du mouvement moderne. L’avenir le rendra certainement de plus en plus vertueux, plus authentique dans sa mise en œuvre, plus durable et plus beau.