Dotée de seulement 14,5 km2 et 800 habitants, la petite île de Teshima avait tout pour inspirer Ryūe Nishizawa quand la Fukutake Foundation lui a commandé le Teshima Art Museum, en 2004 : les vues plongeantes sur la mer, le chemin qui serpente dans les collines jusqu’au site du musée, les rizières environnantes…
Matrix, une expérience contemplative et sensorielle
De quoi orienter la créativité de l’architecte – l’un des fondateurs de l’agence Sanaa – vers une structure en béton qui aurait la forme d’une goutte d’eau au moment où elle tombe sur le sol. Une longue coquille sans murs ni piliers, percée de deux grandes ouvertures qui laissent passer la lumière naturelle, le vent, la pluie et le chant des oiseaux. L’entrée est si petite qu’il faut se courber un peu, comme pour rendre hommage à l’œuvre unique qui habite le lieu : Matrix, créée par la plasticienne Rei Naito.
Comme dans un sanctuaire, le visiteur se déchausse, fait silence et s’engage à ne prendre aucune photographie. Au premier abord, l’espace est vide… puis quelques gouttelettes scintillantes sourdent du sol en béton, très légèrement incliné et percé d’une multitude de trous. Sous l’effet de la gravité, elles forment des filets et des ruisseaux minuscules : une œuvre d’art « vivante », en symbiose avec l’architecture et la nature. Est-ce un hommage aux sources thermales si nombreuses au Japon ?
Ici, le sacré se distille avec une extrême lenteur. Les visiteurs conquis restent longtemps, allongés ou assis, à l’écoute du murmure de l’eau, méditant peut-être la question essentielle posée par l’artiste, originaire d’Hiroshima : « Notre existence sur Terre est-elle une bénédiction en soi ? »
Une coque béton d’une extrême finesse
Inauguré en 2010, le musée de Teshima est un exemple d’architecture biomimétique aux proportions impressionnantes : 60 m de long, 40 m de large, 2 000 m2 de superficie et 4,50 m de hauteur au point le plus élevé. Par la singularité de sa forme – qui semble dessinée à la main – et par la finesse de ses parois – 25 centimètres –, c’est une prouesse.
Pour construire cette structure d’une extrême frugalité, il a fallu un moule de terre renforcé par des armatures métalliques, sur lequel le béton a été coulé durant vingt-deux heures, grâce à 120 bétonnières. Pendant cinq semaines, le matériau a séché, et pendant six semaines encore les ouvriers ont extrait le moule.
Une fois sur place, prolonger la découverte…
À moins de deux heures de ferry de Teshima, l’île de Naoshima accueille un autre fleuron de l’architecture : le Chichu Art Museum (« musée d’art dans la Terre »). Conçu sur trois niveaux par Tadao Ando, il est également en béton – matériau parfait pour un espace muséal enterré, doté de rares ouvertures qui créent la surprise sur le parcours et qui garantissent un éclairage naturel aux œuvres de Claude Monet, de James Turrell et de Walter De Maria.
Régulièrement, la Triennale de Setouchi transforme en musée à ciel ouvert les îles de la mer intérieure de Seto. Celle de 2025 permet à plus de 200 artistes de faire dialoguer leurs œuvres avec la nature. Ainsi, grâce au mécénat, la mer intérieure est devenue en trente ans un haut lieu de l’art contemporain. Si vous visitez l’Exposition universelle à Osaka, n’hésitez pas à faire un détour.