Du 21 mai au 5 octobre 1925, la ville de Grenoble organisa, sur un terrain de 20 hectares, l’Exposition internationale de la houille blanche et du tourisme.
Rien n’était trop beau pour célébrer la force hydraulique de l’eau et la production, le transport et la distribution de l’énergie électrique. Accueillis par une porte monumentale flanquée de deux spectaculaires piliers, un million de visiteurs se sont promenés entre une multitude de palais et d’attractions en tous genres.
L’une des grandes vedettes de l’exposition fut la tour d’orientation de près de 100 mètres de hauteur édifiée par Auguste Perret.
Le public se pressait aux pieds de cette aiguille de béton : pas moins de 2 000 candidats à l’ascension pour la seule journée du 6 septembre 1925.
Aujourd’hui, au cœur du parc Paul Mistral (maire de Grenoble de 1919 à 1932), c’est le seul vestige de l’exposition.
Première tour en béton armé du monde, ce joyau architectural – édifice emblématique de la ville – a été classé au titre des monuments historiques en 1998 et labellisé Patrimoine du XXe siècle en 2003.
Monsieur Perret et la modernité du béton armé
La tour traduit particulièrement bien la pensée architecturale et structurelle d’Auguste Perret. Chantre de la modernité et de l’avant-garde, il vint à Grenoble pendant deux ans donner des conférences pour convaincre les décideurs des capacités plastiques du béton armé et de ce nouvel « ordre architectural », digne selon lui des grands ordres classiques.
L’architecte dut toutefois refaire ses calculs devant des experts inquiets pour les rassurer sur la solidité de l’ouvrage et la justesse du devis qui se limitait à 385 000 francs.
Haute de 86 mètres (95 mètres jusqu’à l’extrémité de sa pointe) avec un plan octogonal de huit mètres de diamètre, la tour repose sur des fondations de 15 mètres de profondeur, constituées de 72 pieux de béton armé.
Huit piliers ceinturés à espaces réguliers par des bandeaux forment sa structure.
Perret a utilisé de nombreux remplois préfabriqués du chantier de l’église Notre-Dame-du-Raincy.
Des éléments modulaires au motif répétitif en écaille courent sur toute la hauteur de la tour. Ouverts à la manière de claustras, ils créent à l’intérieur des jeux de lumière, qui préfigurent ceux du clocher de l’église Saint-Joseph du Havre (1951).
Le dernier étage est accessible par des escaliers hélicoïdaux ou par un ascenseur vitré. 35 mètres avant le sommet de cette « tour pour regarder les montagnes », selon l’expression de Paul Mistral, une table d’orientation permettait de repérer l’emplacement des bâtiments de l’exposition et d’admirer un panorama unique sur les massifs de Belledonne, du Vercors et de la Chartreuse.
Une restauration de portée internationale
Fermée depuis 1965, la tour a toujours fière allure. Sa restauration a été décidée en 2016 : « Un enjeu du patrimoine moderne, en béton », pour Eric Piolle, maire de Grenoble.
En 2019 ont débuté des recherches scientifiques et un chantier test dans le respect de la Charte internationale sur la conservation et la restauration des monuments et des sites historiques.
Une longue préparation (études techniques, tests in situ, consultations d’entreprises) pour François Botton, architecte en chef des Monuments en charge du chantier.
Il a suggéré d’intégrer la tour Perret dans un programme international pour débattre des questions de restauration des bétons.
De son point de vue, « la restauration de la tour Perret est une opération innovante qui permettra de contribuer à l’évaluation des performances des réparations sur les structures historiques en béton ».
Le chantier test et les relevés 3D ont permis de mettre au point des bétons de réparation compatibles avec celui d’origine.
Le chantier de réhabilitation de la tour Perret a démarré en octobre 2023. Une restauration qui devrait prendre fin en 2025 pour son centenaire. L’édifice sera de nouveau ouvert au public.
D’ici là, les Grenoblois peuvent suivre l’avancée du chantier sur les panneaux exposés le long de la palissade du parc Paul Mistral.
Attention, le jour de l’inauguration, les députés Édouard Herriot et André Hesse sont restés prisonniers de l’ascenseur pendant que le gardien partait tranquillement déjeuner…