En Espagne, La Muralla Roja de Ricardo Bofill
Espaces d’Abraxas à Noisy-le-Grand, quartier Antigone à Montpellier… on ne présente plus Ricardo Bofill, le génie catalan, maître de l’architecture postmoderne, qui s’est éteint en 2022. Nombre de ses constructions sont aux couleurs méditerranéennes, comme La Muralla Roja, sur la Costa Blanca espagnole.
Ce complexe d’appartements situé à Calpe, près d’Alicante, fut achevé en 1973, et évoque une citadelle nord-africaine au sommet d’une falaise surplombant la mer Méditerranée.
De hauts murs de béton rouge entourent des cours intérieures. Rouge, rose, indigo, violet, des tons vibrants, saturés, qui rappellent ceux du Jardin Majorelle, à Marrakech, et entrent en fusion avec le ciel et la mer.
La maison-atelier de Luis Barrag án à Mexico
Luis Ramiro Barragán Morfín (1902 –1988), architecte et ingénieur mexicain, a remporté le Prix Pritzker en 1980. Sa maison de Mexico et son atelier, construits en 1948, sont entrés au patrimoine mondial de l’Unesco en 2004.
En relation avec Le Corbusier, l’architecte a été influencé par le modernisme européen mais, si ses lignes sont épurées, elles s’opposent au fonctionnalisme.
Il a opté pour une architecture « émotionnelle », où la lumière et la couleur – mises en scène – sont les compléments de la forme architecturale.
Bleu, rose, ocre, parme ou indigo, la culture populaire mexicaine lui a fourni une palette lumineuse qu’il utilisait avec discernement : « J’use de la couleur, mais quand je dessine, je ne pense pas à elle. Généralement, je la définis quand l’espace est construit. Alors je visite le lieu constamment à différentes heures du jour et je commence à ‘imaginer’ la couleur. »
NoLiStra, le Nouveau lieu de Strasbourg
La couleur peut affirmer avec élégance l’identité d’un quartier. Ainsi, à Strasbourg, dans l’îlot Saint-Urbain, rebaptisé NoLiStra pour “Nouveau lieu de Strasbourg”, l’agence LAN a conçu un programme mixte de huit bâtiments peints dans les tons des maisons alsaciennes traditionnelles du centre-ville.
Une gamme de lasures minérales a été élaborée, puis appliquée par projection et au rouleau sur les façades tramées et régulières en béton.
« Nous avons fait ce choix du béton coloré pour compenser la sobriété architecturale de l’ensemble, avec une palette de couleurs qui se rapporte à l’existant, souligne Umberto Napolitano, cofondateur de l’agence, qui précise : « Non seulement ces lasures minérales nous ont permis d’obtenir les teintes souhaitées, mais leur finition mate opaque protège le béton. »
Au Portugal, les pyramides de béton tronquées de la Casa das Historias
En 2009 a été inaugurée la Casa das Historias dans le centre historique de Cascais, une petite cité balnéaire à l’ouest de Lisbonne.
À la demande de la peintre Paula Rego, l’architecte Eduardo Souto de Moura a imaginé un lieu « amusant, simple, vivant, avec plein de joies et beaucoup de malices » pour exposer l’importante donation qu’elle a fait de ses œuvres et de celles de son époux, Victor Willing.
Pour ce centre culturel, l’architecte, récompensé par le prix Pritzker en 2011, a imaginé deux pyramides tronquées en béton brut rouge terra cotta, et quatre ailes offrant 750 m2 de surface d’exposition.
Le Palais Bulles d’Antti Lovag
Construit sur la côte d’Azur, à Théoule-sur-Mer, entre 1979 et 1984, le Palais Bulles est l’une des réalisations majeures de l’architecte hongrois et « habitologue » Antti Lovag, qui fut l’élève de Jacques Couëlle, emblème du mouvement de l’architecture-sculpture en béton projeté et sculpté.
L’ensemble du site est constitué, sur 1200 m2, de bulles de béton peintes en rouge brun et reliées entre elles par des passages tubulaires.
Mille hublots, les Skydomes, éclairent et ventilent les habitats.
Le Palais Bulles fut la propriété de Pierre Cardin, qui aimait à dire : « Ce palais accroché à la roche de l’Estérel est devenu mon coin de paradis, ses formes cellulaires sont la concrétisation depuis longtemps de l’image de mes créations. C’est un musée où j’expose les œuvres de créateurs contemporains. »
Un amphithéâtre de 400 places complète l’ensemble. En harmonie avec l’ocre des calanques de la Riviera, la couleur apporte sa richesse et sa profondeur aux structures en béton.
Et tant d’autres férus de béton coloré…
Depuis les années 1920, beaucoup d’autres architectes ont joué la carte de la couleur pour rehausser le béton de leurs bâtiments. Jean Nouvel a conjugué le bleu, le blanc et le rouge pour la résille qui recouvre sa Tour La Marseillaise, construite dans une ancienne zone industrielle de la cité phocéenne : 3 500 pièces de brise-soleil en BFUP multicolore pour l’un des projets phare d’Euroméditerrannée.
En Suisse, l’atelier Bardill de Valerio Olgiati surprend par ses influences pompéiennes et son béton teinté d’ocre rouge.
À l’instar de la piscine Gruebi, à Adelboden (toujours en Suisse), signée Beda Hefti dans les années 1930, si éclatante en bleu céleste, jaune et vert printemps dans son écrin de montagnes.
À l’époque, les artistes et les architectes de l’association Deutscher Werkbund propageaient la couleur comme « expression de la joie de vivre » dans leur Appel pour un bâtiment coloré.
Enfin, le complexe scolaire du Moulon à Gif-sur-Yvette, conçu par Dominique Coulon, illustre, lui aussi, les atouts du béton coloré. Ici, pour souligner le rôle public de ce lieu et le distinguer des autres bâtiments du quartier.