Avril 1945. Le siège de Royan s’achève, laissant la station balnéaire de Charente-Maritime à 80 % détruite par les bombardements alliés. Dès juillet, l’État confie à Claude Ferret, directeur des études à l’École d’architecture de Bordeaux, la mission de reconstruire le centre-ville. Il décide alors de faire de Royan un manifeste du Mouvement Moderne et s’entoure pour cela, tout au long des années cinquante et soixante, de quatre-vingt jeunes architectes.
Ceux-ci s’inspireront beaucoup du célèbre numéro de septembre 1947 de la revue “L’Architecture d’aujourd’hui” consacrée aux grands maîtres brésiliens (Oscar Niemeyer, Lucio Costa…), faisant de Royan une sorte de Brasilia avant l’heure avec ses grands axes rectilignes et ses édifices en béton armé précontraint aux lignes courbes et à la légèreté surprenante.
« Mais c’est toute la ville moderne qui a, pour partie, été construite avec ce matériau, soit plus de 7 000 immeubles », estime Charlotte de Charette, responsable du Service du patrimoine de la Ville.
Notre-Dame de Royan, joyau ultra-fragile
« Le sable utilisé n’est pas issu de carrières mais de l’estuaire de la Gironde. Il contient donc du sel. De plus, on a utilisé des graves, c’est-à-dire des cailloux de rivière à la taille irrégulière. Le résultat est la carbonatation des aciers en certains endroits. Les fers à béton rouillent et font exploser le matériau », note Charlotte de Charette.
Le phénomène est particulièrement important sur l’église Notre-Dame de Royan, splendide mais fragile édifice avec son toit en selle de cheval et ses voiles en V latéraux verticaux très minces.
« L’enrobage de 10 centimètres pour l’église, soit 5 de chaque côté du fer à béton, n’est pas suffisant, surtout qu’elle est très exposée aux éléments climatiques océaniques et bâtie en béton brut de décoffrage et non recouvert d’un enduit. » L’édifice fait donc depuis des années l’objet de campagnes de rénovation, dont une dernière qui a duré six ans et s’est achevé en 2019. Elle a permis de rénover l’entrée ouest (auvent et passerelle), des voiles de béton situées le plus à l’ouest, des bas cotés et des terrasses.
« Pour les parties les moins abimés, il est possible d’enlever les morceaux qui risquent de tomber, de traiter les fers chimiquement afin de les rendre passif, puis de remettre du béton par-dessus. Mais là où c’est le plus abimé, il faut casser, détruire et refaire à l’identique car c’est un monument historique. Des empreintes ont été faites pour retrouver le dessin des coffrages d’origine, ainsi que des tests pour la couleur du béton. »
Marché central : une coque de 50 mètres de diamètre
L’autre édifice de la période qui soit classé, le Marché central, se porte bien. Le béton de la fameuse coque ondulé de 50 mètres de diamètre à la forme libre et dénuée de tout élément porteur, véritable prouesse technique à l’époque, est en effet recouvert d’un enduit qui le protège.
Les immeubles en arc de cercle du Front de mer, typiques du style 50 dont Royan s’est fait l’étendard, ont également bien résisté. Le ravalement de façade de 2017-2018 leurs ont rendu leur uniformité d’origine, notamment les longs panneaux métalliques rouges des loggias.
Longtemps considérée comme une ville laide, Royan a depuis le début des années 2000 redécouvert pour son patrimoine béton. Elle bénéficie déjà des labels « Ville d’art et d’histoire » et « Architecture contemporaine remarquable » octroyés par le ministère de la Culture. Et si elle n’est pas encore classée au Patrimoine Mondial de l’Unesco comme Le Havre d’Auguste Perret, le montage d’un dossier n’est pas totalement exclu par la mairie.
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