Au Sud des États-Unis, l’Arkansas est plus connu pour ses parcs nationaux que pour ses musées.
La capitale de l’État, Little Rock, abrite pourtant l’AMFA, le très riche musée des beaux-arts.
Rêvé en 1914 par le groupe de dames philanthropes du Fine Art Club, ce n’est qu’en 1937 qu’il a ouvert ses portes, dans un bâtiment Art déco imaginé par l’architecte H. Ray Burks, au cœur du parc MacArthur.
Depuis, chaque génération a ajouté un pavillon, huit en tout, sans cohérence architecturale, pour accueillir collections, salle de théâtre, espaces de lectures, de création, de conférences ou de restauration.
Une expérience du mécénat à travers les âges
Ce « complexe tentaculaire » ne rendait pas hommage aux 14 000 œuvres d’art, du XIVe siècle jusqu’à nos jours, qu’abrite le musée.
Parmi celles-ci, quelques chefs-d’œuvre comme l’Adoration des bergers de Francesco Bassano II (1580), une riche galerie de peinture américaine des XVIIIe et XIXe siècles et l’importante donation Rockfeller de peintures modernes, qui comprend, entre autres, les Dos Mujeres de Diego Rivera (1916) et l’Andromède d’Odilon Redon (1912).
Le musée possède également de nombreux travaux sur papier – dessins ou photographies – d’artistes des États du centre et du Sud des États-Unis, ainsi qu’une section dédiée aux créations digitales et numériques.
L’AMFA poursuit une ambitieuse politique d’acquisition d’œuvres d’artistes contemporains et bénéficie de la solide tradition américaine du mécénat.
Des fonds privés ont financé en grande partie les 150 millions de dollars de la refonte architecturale, votée en 2016 et confiée aux architectes de Studio Gang.
Les travaux ont commencé en 2019, pour prendre fin en 2023.
L’inauguration a eu lieu en avril dernier.
Une galerie centrale pour un musée ouvert sur la nature
Studio Gang a fait souffler un grand vent de fraîcheur sur les lieux. Avec les paysagistes de l’agence Scape, ses architectes ont souhaité faire de l’AMFA un lieu d’art et de culture ouvert sur la nature.
Les structures existantes, repeintes en blanc, ont été réunies par une galerie centrale, reliant Nord et Sud.
À chaque extrémité, une extension a été ajoutée : au nord, un salon culturel pensé pour le rassemblement, le répit, la contemplation ou encore des événements spéciaux ; au sud, un pavillon de restauration remplaçant l’ancien parking et ouvrant pour la première fois le bâtiment sur le parc.
Selon Jeanne Gang, fondatrice du cabinet d’architectes, la rénovation offrait l’opportunité de « reconnecter le bâtiment avec son environnement, et d’adapter et de réimaginer les structures existantes afin qu’elles accueillent tous les visiteurs et soutiennent les activités dynamiques et créatives qui se déroulent à l’intérieur ».
Construction béton de haute précision
Cet axe central est surmonté d’un d’un toit plié en béton, pièce maîtresse du projet. Un “origami” de plus de 2 500 m2 qui s’incurve entre les bâtiments existants, s’abaisse pour s’adapter à la topographie du site, s’épanouit en corolle à chaque extrémité, et collecte les eaux pluviales pour arroser les nouveaux jardins.
Lors de sa construction, la modélisation 3D a permis de générer plus de 1 200 cadres en bois pour le coffrage, dont le pas, la largeur et la courbe variaient le long de chaque section.
Elle a également assuré le placement exact des 258 tonnes de barres d’armature.
Au sein de l’AMFA rénové, le béton trouve également sa place au sol.
Pour uniformiser ce dernier, un revêtement en béton poli a été élaboré : pas moins de 29 prototypes ont été réalisés, avec des échantillons issus des carrières de l’État. Résultat, à la manière des émaux cloisonnés ou des vitraux, deux mélanges différents font écho au plafond. Le mélange composé des agrégats les plus lourds suit en effet les poutres (chaque agrégat ayant été disposé à la main pour garantir la cohérence globale).
Quant aux colonnes en V des nouvelles extensions, elles sont formées de deux piliers obliques en béton autoplaçant, dont la formulation a permis d’éviter tout défaut esthétique.
Un travail de haute precision qui a permis à l’AMFA de remporter en 2021 le Prix d’excellence de la construction en béton, dans la catégorie “constructions basses”, décerné par l’ACI.
Jeanne Gang se félicite du travail accompli : « Depuis sa création, l’Arkansas Museum of Fine Arts a à cœur l’éducation communautaire et artistique.
Mais ses installations empêchaient le musée d’atteindre son plein potentiel. Notre conception a renforcé le rôle du musée en tant qu’ancrage culturel de Little Rock, en réunissant des structures autrefois disparates en un ensemble cohérent. En optimisant ses espaces fonctionnels et en agrandissant ses galeries, ses salles de classe et ses espaces sociaux, le bâtiment transforme l’expérience du visiteur en une expérience intuitive, inspirante et continue. »