Un pont de béton entre le passé et le présent
Huit ans et plus de 400 millions de dollars ont été nécessaires pour édifier le musée national du Qatar sur la corniche de Doha, en face des gratte-ciels. Inauguré en 2019, le musée est bâti autour du palais du cheikh Abdullah bin Jassim Al Thani, le fils du fondateur du Qatar moderne. Au centre d’un caravansérail, il crée le pont entre le passé et le présent.
Recréer en béton les cristallisations du désert
Jean Nouvel, lauréat du prestigieux prix Pritzker, et Les Ateliers Jean Nouvel ont conçu un bâtiment de 52 167 m². Pour recréer la forme des roses des sables, un enchevêtrement de 539 disques d’acier de différentes courbures constitue le toit, les murs et les sols intérieurs et extérieurs de l’édifice. Le diamètre de ces disques varie de 14 à 87 m pour une superficie totale de 120 000 m2.
Pour les recouvrir, 900 t de béton fibré à ultra hautes performances (BFUP) ont été nécessaires : cette seconde enveloppe, constituée d’une marqueterie de 76 000 panneaux, rugueux et de couleur sable, n’est épaisse que de 40 mm malgré les sollicitations extrêmes dues au vent et aux variations de température.
« L’architecture du musée, sa structure sont symboliques des mystères des concrétions, des cristallisations du désert et l’on y devinera les intersections des pétales aiguisés des roses des sables », explique Jean Nouvel. La complexité du bâtiment, la proximité de la mer qui menaçait les fondations et les températures extrêmes ont demandé des prouesses d’ingénierie.
Modélisation 3D pour plan organique
On accède au musée par une allée bordée d’une centaine de fontaines dans un lagon de 900 m de long. Avec ces pétales de béton, l’angle de vue du musée change constamment. Chaque interaction entre les disques est unique.
Pour Jean Nouvel, ce type de folie n’aurait pas été possible sans modélisation, et le logiciel de conception Catia a été utilisé par le bureau Ove Arup. Avec son plan organique, le bâtiment réserve beaucoup de surprises tout au long des 1500 m de son parcours muséographique.
« Vous pouvez ainsi passer d’une salle assez haute barrée par un disque en biais, à une autre avec une intersection beaucoup plus basse », explique l’architecte.
Même les planchers sont parfois en pente. Le bâtiment est très optimisé sur le plan énergétique. Les ouvertures sont rares et les débords des toitures protègent les fenêtres des rayons du soleil.
Une réflexion sur la modernité
La muséographie a également été confiée à Jean Nouvel. Il a opté pour une présentation chronologique de -700 000 ans à nos jours. Histoire naturelle du désert et du golfe Persique, objets traditionnels bédouins, histoire des guerres tribales, création de l’État qatari, découverte du pétrole : onze galeries présentent la complexité du Qatar, entre traditions ancestrales et ultra-modernité.
Plus de 8 000 objets – bijoux, textiles, livres, documents archéologiques, historiques ou architecturaux – sont exposés, et des films projetés à très grande échelle sur les parois incurvées du musée proposent au visiteur une expérience immersive.
Tous les outils informatiques, sonores, vidéos du XXIe siècle sont utilisés, et même la diffusion de parfums, pour inviter le visiteur à une réflexion sur l’identité culturelle qatari, sur la modernisation rapide du pays et ses trois miracles économiques au fil des siècles : la pêche des perles dans l’Antiquité, la découverte du pétrole après la Seconde Guerre mondiale et celle du gaz dans les années 1960.
Avec le musée d’Art islamique et le musée arabe d’art moderne, le musée national du Qatar est le troisième lieu culturel créé dans le pays. En 2019, Time magazine l’a fait entrer dans le club des plus grands lieux à visiter. Il n’est pas prêt d’en sortir !