Renée Gailhoustet s’est vue décerner le Prix d’architecture 2022 de la Royal Academy of Arts.
« Une contribution extraordinaire au logement social en France et une approche inspirante de la planification urbaine. Un corpus d’œuvres qui reflète constamment son intérêt pour l’architecture en tant que pratique sociale et culturelle. »
C’est en ces termes que le jury de la Royal Academy of Arts, à Londres, a décerné son Prix d’architecture 2022 à l’architecte française Renée Gailhoustet, pour l’ensemble de sa carrière.
La présidente du jury, l’architecte britannique d’origine iranienne Farshid Moussavi, a salué une femme dont « les réalisations vont bien au-delà de ce qui est produit partout aujourd’hui en tant que logement social ou abordable. Son travail fait preuve d’un fort engagement social qui rassemble la générosité, la beauté, l’écologie et l’inclusion ». Retour sur une longue carrière, qui a débuté en 1961.
Architecte et militante
Quel chemin parcouru pour la jeune fille née à Oran (Algérie) en 1929, qui s’engage très jeune en politique, milite aux Jeunesses communistes, et se passionne pour les problématiques du logement social !
Tout au long de sa carrière, elle va creuser ce sujet et collaborer avec de nombreuses municipalités communistes de la banlieue parisienne et de La Réunion.
Elle fait ses premières armes, en 1952, à l’École nationale supérieure des beaux-arts, dans l’atelier de Marcel Lods, André Hermant et Henri Trezzini, où elle rencontre l’architecte Jean Renaudie (1925-1981), qui deviendra le compagnon, mentor et partenaire de toute une vie.
Après un passage dans l’atelier de Jean Faugeron, elle obtient son diplôme en 1961 sur un projet de tour de logements collectifs en semi-duplex.
L’année suivante, l’agence de Roland Dubrulle lui confie le projet de rénovation d’Ivry-sur-Seine.
Un duo d’architectes « engagés » pour Ivry-sur-Seine
Renée Gailhoustet ouvre son agence en 1964 et devient en 1969 l’architecte en chef d’Ivry-sur-Seine. Elle conçoit le plan directeur du centre-ville.
Avec Jean Renaudie, nommé co-architecte en chef d’Ivry en 1970, elle réfléchit sur le plan masse de la rénovation. Ensemble, ils vont faire d’Ivry-sur-Seine leur « laboratoire » et développer une architecture favorisant les relations humaines et le bien-vivre.
Un matériau est omniprésent dans leurs projets : le béton, qui leur permet toutes les audaces. Leurs bâtiments pyramidaux à gradins conjuguent angles saillants des façades, rugosité du béton brut, éclat des couleurs, puzzles géométriques et imbrication des espaces mutualisés ou privatifs.
Pour Renée Gailhoustet, qui préconise la différenciation, l’imbrication des espaces et la végétalisation, chaque appartement doit être unique, conçu sur plusieurs niveaux et doté de loggias, terrasses et patios, dont le béton assure l’étanchéité.
Une vision bien à elle de l’architecture
Plusieurs influences jalonnent son parcours. Pendant les années 1960, même si elle les humanise en jouant sur les niveaux (semi-duplex, duplex, triplex), ses bâtiments de logements sociaux s’inspirent de Le Corbusier (tours Raspail et Lénine, ensemble Spinoza).
À partir de 1971, dans la lignée de Jean Renaudie et des recherches du groupe d’architectes Team X, elle dessine des ensembles pyramidaux et des ensembles « en nappes ».
Après le décès de Renaudie en 1981, Renée Gailhoustet fait évoluer son type de construction. Elle développe un principe de murs de refend verticaux (ensemble Marat) qui forment des voiles de béton parallèles et lui permettent de jouer sur les découpes des toitures.
Pour Renée Gailhoustet, « ces voiles ne sont pas opaques, des percées laissent se développer latéralement l’espace du logement, et complètent les grandes baies définies par l’écartement de la trame. Ils s’interrompent aussi et laissent la place au patio. L’apport de lumière au cœur même du volume intérieur permet d’organiser des logements sur une profondeur inattendue : 20 mètres, et parfois davantage. »
Un talent récompensé !
Trois de ses réalisations ont été labellisées “Patrimoine du XXe siècle” : les tours Raspail et Jeanne Hachette à Ivry-sur-Seine, le quartier de la Maladrerie à Aubervilliers.
Après le Prix de la Royal Academy of Arts, les hommages continuent. Renée Gailhoustet vient de recevoir, à la Cité de l’architecture et du patrimoine, un Grand prix d’honneur pour l’ensemble de sa carrière, à l’occasion du Grand prix national de l’architecture 2022. Âgée de 93 ans, elle habite toujours à Ivry-sur-Seine, dans l’un des appartements qu’elle a dessinés il y a cinquante ans.
Renée Gailhoustet nous a quitté le 4 janvier 2023 à Ivry-sur-Seine.