C’est en 1967 que Norman Foster fonde Foster Associates avec son épouse. Un cabinet d’architecture qui deviendra l’illustre agence Foster + Partners, comptant aujourd’hui 1500 collaborateurs dans le monde.
Parmi les trophées de ce « starchitecte » : la médaille d’or royale pour l’architecture en 1983, la médaille d’or de l’Académie française pour l’architecture en 1991 et, en 1999, le prestigieux Prix Pritzker. Anobli par la reine la même année, il est aujourd’hui pair du Royaume-Uni.
De fait, Sir Norman Foster a marqué l’histoire de l’architecture mondiale par sa vision conciliant progrès technologique et approche écologique durable.
Mondes intérieurs
Pour « entrer dans la tête et le coffre à jouets » d’un tel géant, le Centre Pompidou lui consacre une rétrospective jusqu’au 7 août prochain, la plus grande jamais consacrée à un architecte. Maître de la scénographie, l’architecte a reçu les clés des 2 000 m2 de la Galerie 1 (niveau 6) et carte blanche pour présenter soixante ans de carrière, 130 projets et son fabuleux cabinet de dessins.
Croquis, esquisses, photos et documentation nous plongent au cœur du bouillonnement créatif de ce jeune homme de 88 ans, pour qui « Tout commence par un croquis, qui se mue en outil de communication au cours du long processus qui s’ensuit, au sein de l’agence, des ateliers et, enfin, sur le chantier. Depuis 1975, j’ai pris l’habitude d’emporter avec moi un carnet A4 pour dessiner et écrire. »
Visite en 7 thématiques
Norman Foster a classé ses priorités et ses axes de création en sept espaces qui sonnent comme un manifeste d’architecture où le souci de l’écologie est omniprésent.
Il a souhaité faire commencer la visite par « Nature et urbanité », car à ses yeux ces « deux mondes parallèles se croisent de manière créative ».
Au fil des salles, il propose une réflexion sur la ville verticale et la structure des tours, considérées comme une solution à l’étalement urbain et au règne polluant de l’automobile. D’autres projets – gares, aéroports ou ponts – dévoilent son approche de l’urbanisme, de l’ADN des villes et de la mobilité des personnes et des biens.
On découvre également comment Foster, architecte de nombreux musées, refuse le pastiche historisant et prend le parti de « l’empreinte respectueuse du présent ».
Il en a fait une démonstration magistrale à Nîmes, avec le Carré des Arts (1993), ou à Londres, avec la couverture de la grande cour du British Museum (2000).
« Perspectives futures » termine la visite. Foster envisage l’avenir avec des énergies propres et présente une réflexion menée avec la Nasa et l’Agence spatiale européenne sur les habitations lunaires et martiennes : « Les inspirations et rêves de science-fiction de mon enfance donnent aujourd’hui vie à des projets bien réels. »
Pièces maîtresses, béton high-tech
Cette monographie nous donne l’occasion de redécouvrir quelques réalisations marquantes faisant appel à l’esthétique et à la haute technicité du béton.
La Torre de Collserola
Au nord-ouest de Barcelone, cette tour de télécommunications a été mise en service pour les Jeux Olympiques d’été de 1992. D’une hauteur de 288 m, elle est ancrée au flanc de la montagne à l’aide de 9 haubans d’acier.
D’une grande élégance, elle impressionne par la finesse de son mât central : en béton armé, cette « tige » culmine à 205 m de haut, pour seulement 4,5 m de diamètre. La structure se poursuit avec un mât tubulaire en acier de 38 m et un couronnement de 45 m en treillis d’acier. Entre 84 m et 152 m, se succèdent 13 plateformes : la 10e, El Mirador, est ouverte au public et offre une vue imprenable sur la capitale catalane et ses environs.
Carré d’Art de Nîmes
Norman Foster a conçu le Carré d’Art en face de la Maison Carrée, un temple romain du Ier siècle avant notre ère.
Ce vaste parallélépipède comporte neuf niveaux, dont cinq souterrains. Norman Foster voulait “un bâtiment peu élevé pour faire ressortir les bâtiments environnants”.
La façade principale reprend les codes de l’Antiquité, mais emploie des matériaux contemporains : béton et métal pour l’ossature, verre pour l’habillage.
Musée de Préhistoire des Gorges du Verdon
Installé à Quinson en 2001, le musée propose de remonter le temps à la rencontre de nos origines dans un village préhistorique et de retrouver les gestes de nos ancêtres.
À flanc de coteau, Norman Foster a imaginé un bâtiment en forme d’amande (ou de calisson…) grâce à un jeu de courbes et de contre-courbes.
Depuis l’extérieur, rien ne paraît de sa fonction : une longue façade concave de 120 m capitalise sur l’opacité et l’austérité du béton brut. Ce matériau à peine teinté de gris fait écho aux falaises de calcaire environnantes, et a subi un léger sablage afin d’obtenir un effet mat et doux. Un même soin a été porté aux bétons utilisés à l’intérieur, pour la colonnade, les sols et les plafonds du grand hall.
Viaduc de Millau
Cet ouvrage d’art (2004) a été dessiné par Sir Norman Foster et conçu par l’ingénieur Michel Virlogeux. Avec ses 2460 mètres de longueur et ses 343 mètres de hauteur, ce pont haubané enjambe le Tarn. Il fascine notamment par la légèreté, l’élégance et la puissance de ses 7 piles de béton, d’une hauteur de 75 à 245 mètres (un record mondial !).
En tout, 205 000 tonnes de béton haute performance (BHP) ont été requises, renforcées d’acier.
À l’époque, pour le physicien Henri Van Damme, la qualité du viaduc est due au fait qu’ »Il a été enrichi en particules très fines pour diminuer la porosité et que les molécules utilisées pour garder sa viscosité sont des super-plastifiants de 3e génération« .
Narbo Via
Beaucoup plus récemment, en 2021, l’architecte a-t-il souhaité rendre hommage au béton romain en concevant ce musée narbonnais de 8 000 m2 dédié à l’Antiquité ?
Il a utilisé la technique du béton structurel stratifié. Un béton teinté à l’aspect de terre obtenu en mélangeant, sur site, terres du pays, sable, agrégats, pigments et ciment avec très peu d’eau.
Travaillées par couches, ses variations de teinte rappellent les strates d’un site archéologique. Ce béton a été utilisé pour les structures porteuses du bâtiment, sans revêtement.
Encourager l’ADN local
Norman Foster a classé ses priorités et ses axes de création en sept espaces qui sonnent comme un manifeste d’architecture où le souci de l’écologie est omniprésent.
États-Unis, Australie, Arabie saoudite, Europe ou Khazakstan… il faudrait plusieurs tours du monde pour voir toutes les œuvres de Sir Norman Foster.
Parmi les plus iconiques, citons le siège de la HSBC et l’aéroport de Hong-Kong ou l’Apple Park à Cupertino (États-Unis).
Pour l’architecte, « le défi consiste à maximiser les différences plutôt qu’à tout homogénéiser. La réponse est donc d’encourager cet ADN local, cette culture locale, d’y être sensible et d’avoir le meilleur des deux mondes. Bref, chaque projet doit être à sa place. »
Essential Homes, repenser l’habitat d’urgence
Fruit d’un partenariat entre la Norman Foster Foundation et le groupe Holcim, le projet de recherche Essential Homes a été présenté à la Biennale d’architecture 2023, à Venise. Il propose un concept de logement pour les personnes déplacées, parfois contraintes de vivre des décennies dans des installations temporaires. L’enjeu est d’offrir une alternative durable aux tentes, un abri qui serait plus permanent, plus protecteur, et qui pourrait être réalisé très rapidement. Un prototype grandeur nature a été conçu par la fondation et réalisé par Holcim. Il affiche une empreinte carbone réduite de 70% par rapport aux solutions traditionnelles. Son enveloppe est en feuilles de béton bas carbone afin d’assurer la sécurité et la pérennité de l’habitat. Sa base est composée d’une plateforme en matériaux de construction et de démolition recyclés pour résister aux intempéries. Le confort thermique et l’efficacité énergétique sont assurés par des panneaux isolants en mousse minérale. Tous les composants peuvent être réutilisés ou recyclés.