L’influence des modernistes
Né en 1917 à Canton, dans une famille chinoise aisée, Ieoh Ming Pei vient étudier aux États-Unis en 1935 : l’architecture en Pennsylvanie, l’ingénierie au Massachussetts Institute of Technology de Boston, puis le design à la Harvard Graduate School of Design – avec comme professeur le maître du Bauhaus, Walter Gropius.
Dans les années 1980, évoquant ses apprentissages, il résume ainsi sa découverte des travaux du Corbusier et son passage à l’école de Franck Lloyd Wright en 1937 : « En fait je ne sais pas si c’est le Corbusier, j’ai lu ses trois livres et à travers eux il est devenu mon maître, ou F.L. Wright qui m’a le plus influencé. »
Rechercher l’harmonie
De fait, Pei s’affirme très vite comme un virtuose de la géométrie : « Mon but est de rechercher l’harmonie et l’unité entre architecture et art ». Naturalisé américain en 1954, il ouvre en 1960 son agence d’architecture à New York, et conçoit des tours, hôtels, sièges de grandes compagnies, bâtiments officiels… C’est surtout dans le domaine de la culture et de l’architecture muséale qu’il excelle, avec toujours le souci du respect de l’histoire des lieux car, dit-il, « une architecture qui dure doit avoir des racines… ».
Pyramides, verre et béton
Ses réalisations offrent au béton une place particulière : dès 1960, avec les impressionnants treillis des voûtes de la Luce Memorial Chapel à Taïwan ; puis en 1967, avec les bâtiments déstructurés en béton broyé et agrégat rosé du National Center for Atmospheric Research de Boulder, dans le Colorado.
En 1968, Pei conçoit en béton quatre grands volumes, un escalier en spirale et un pont spectaculaires pour l’Everson Museum of Art de Syracuse, dans l’État de New-York.
Dix ans plus tard à Washington, le prolongement Est de la National Gallery déploie triangles et pyramides, les éléments essentiels de sa grammaire architecturale. Autre exemple, en 1979 : à la demande de la famille Kennedy, Pei édifie la John F. Kennedy Presidential Library and Museum, l’alliance d’une tour de béton et d’un grand pavillon de verre. Ou encore en 1993, à Paris, avec la pyramide du Louvre (voir encadré).
Un pont entre les cultures
Le dernier grand projet de Pei, le musée d’Art islamique, voit le jour en 2008 au Qatar. Pour s’adapter à la chaleur du désert, une bonne partie du béton qui le compose a été coulée de nuit, voire en incorporant de la glace au mélange de ciment. Le palais de cubes blancs qui abrite les collections est un mirage qui s’élève sur une île artificielle dans la baie de Doha.
« Je crois en la continuité de la tradition du mouvement moderniste, car elle n’est nullement une relique du passé mais une force vivante qui anime et inspire le présent », déclare-t-il quand on lui remet le prestigieux prix Pritzker d’architecture en 1983. Qui mieux que Pei aura été un pont entre les cultures asiatique et occidentale, entre la modernité et le classicisme, entre l’art et la technique…, et le passeur du Bauhaus et du modernisme à toute une génération d’architectes ?