D’où vient votre intérêt pour les églises en béton ?
Fabrice Fouillet : Corpus Christi est né d’une passion ancienne pour l’iconographie religieuse et le mobilier liturgique. C’est un travail purement artistique.
Depuis la fin des années 1920, en permettant une plus grande flexibilité, le béton a libéré les formes. Cette rupture esthétique a coïncidé avec les questionnements théologiques qui ont conduit aux réformes de Vatican II. Elle a renforcé le rôle des fidèles dans l’Église. Prêtres face au peuple, autels séparés des retables : je suis fasciné par la transposition et l’adaptation des usages dans les églises modernes.
Quels ont été vos partis pris photographiques ?
F. F. : J’ai effectué un travail d’inventaire, une série typologique : mes cadrages sont frontaux et symétriques. Dans cette série, les proportions dans l’image sont toujours les mêmes et impliquent de grandes hauteurs. L’autel est toujours central et en bas de la photo. J’utilise le grand-angle, la lumière du jour et les éclairages trouvés sur place, jamais de gros matériel difficile à manœuvrer. En n’éclairant que l’autel, la lumière joue sur les surfaces souvent minimalistes.
Certains usages du béton vous ont-ils particulièrement marqué ?
F. F. : Oui, bien sûr. Par exemple, l’église Saint Ludwig de Saarelouis, conçue par Gottfried Böhm, propose des découpes de béton fascinantes. La Cathédrale de Tokyo, elle, utilise le matériau de façon symbolique : Kenzo Tange, son architecte, s’en sert pour faire référence à des passages du Nouveau Testament. Le béton brut évoque pour lui « le roc où l’on trouve la lumière » de l’Évangile de Saint Matthieu.
Quant à l’église Saint Martin de Donges, près de Saint Nazaire, qui s’inscrit dans un plan de reconstruction global du village après la guerre, elle fait un usage plus pragmatique du béton puisque les murs apparents sont tous enduits.
Comment comptez-vous poursuivre vos investigations sur l’architecture béton ?
F. F. : En tant que photographe d’architecture, j’ai la chance de voyager partout dans le monde et de découvrir de nombreux édifices en béton. Je mène parallèlement plusieurs projets personnels. J’aimerais par exemple travailler sur la Grande Motte… Mais ma recherche d’églises continue : ma dernière découverte est l’église Saint Jacques le Majeur, à Montrouge.
(1) Né en 1974, Fabrice Fouillet a d’abord étudié la sociologie et l’ethnologie. Après des cours de photographie à l’école des Gobelins, il se spécialise dans la photographie d’architecture. Il a reçu le Sony Awards pour Corpus Christi.