« L’architecture est un tout »
Pour cette exposition, Pierre-Louis Faloci a imaginé une monographie articulée autour d’une douzaine de ses réalisations et de quelques projets à venir. Grand cinéphile, l’architecte a voulu faire la démonstration magistrale du lien étroit entre architecture, cinéma et archéologie. Il invite à une réflexion sur « les patrimoines » physiques, géographiques, optiques dans l’art des cadrages et mentaux selon la charge historique des lieux. Faloci propose également une approche archéologique de la sédimentation des lieux et de la compréhension des couches successives de constructions. L’exposition insiste sur la nécessité de développer une culture visuelle, une intelligence des lieux, pour transformer les sites sans se limiter à des opportunités foncières. Jusqu’au 29 mai, le public peut vérifier les mots du jury du Grand prix national d’architecture de 2018 : « Les œuvres de Pierre-Louis Faloci démontrent que l’architecture est un tout qui doit composer avec le paysage, mais aussi l’histoire et la mémoire des lieux. »
Un œil cinématographique
L’exposition propose une monographie de Pierre-Louis Faloci mise en lumière par sa passion pour le cinéma. Pour lui, « il existe dans l’expérimentation cinématographique des outils essentiels pour l’architecture ».
Une histoire de regard et de cadrage, au cœur de la vocation d’architecte de Pierre-Louis Faloci depuis qu’enfant, dans le Nice des années 1950, un nouveau bâtiment lui a volé sa vue sur la mer et l’horizon.
En 1967, il apprend son métier d’architecte à Paris auprès de Georges-Henri Pingusson et fonde sa propre agence en 1976.
Sa formation d’architecte se double de la fréquentation assidue de la Cinémathèque, où son regard s’affine dans l’observation des plans, des cadrages, du déplacement des acteurs et des éclairages des maîtres Rossellini, Antonioni, L’Herbier ou Lang.
Devenu enseignant à l’École nationale supérieure d’architecture de Paris-Belleville, il développera pour ses étudiants une thématique architecture/cinéma autour de Gilles Deleuze et de la camera obscura, cette chambre noire utilisée par les peintres paysagistes et les photographes.
Une relation au paysage, un sens de l’optique, qui rendent hommage tout autant au jardinier Le Nôtre et à sa géométrie pratiquée dans l’étendue du territoire, qu’à Méliès, pionnier et magicien du cinéma.
Le béton dans l’œuvre de Pierre-Louis Faloci
Le travail sur l’intelligence des lieux et leur sédimentation explique pourquoi l’architecture de Faloci est souvent en relation avec les territoires et l’histoire : Celtes à Bibracte, Antiquité et moines cisterciens en Corse, bataille de Valmy, Grande Guerre à Lens, déportation et mémorial du Struthof en Alsace.
Une approche “archéologique” qui s’applique aussi à la transformation de bâtiments modernes, comme le Musée d’Art moderne à Céret dans les Pyrénées orientales ou l’École nationale supérieure d’architecture à Toulouse.
Cette mémoire des lieux intervient dans le choix des matériaux, souvent associés au béton : brique dans le Nord, pierre sèche dans la Nièvre, terre cuite à Toulouse…
Parmi ses réalisations, Pierre-Louis Faloci a sélectionné :
- La Halle aux sucres du port de Dunkerque, avec son soubassement en béton en contraste avec la brique emblématique du Nord.
- Le centre archéologique du mont Beuvray dédié aux civilisations celtiques. Noyés dans la forêt, ses bâtiments aux parements de pierre sèche, comportent des portiques transversaux et des voiles de béton brut qui portent l’étage en mezzanine, préservent les vues ascendantes, creusent les perspectives et rythment la visite.
- Le bâtiment d’acier et de béton du Centre européen du résistant déporté (CERD), dans le camp de concentration alsacien du Struthof. Il est érigé au-dessus des caves en béton armé de la Kartoffelkeller (“cave à pommes de terre”), une enfilade voûtée de 120 mètres de longueur, édifiée par les déportés.
- Le musée archéologique de Mariana, en Corse, avec ses deux parallélépipèdes de béton, l’un posé au sol, l’autre sur pilotis, qui forment une boîte de béton échancrée. Une sorte de machine optique en lévitation, avec une longue fente horizontale de 60 mètres qui offre un travelling latéral sur le paysage et le site archéologique.
- Lens’ 14-18 – Centre d’Histoire Guerre et Paix (Souchez, 62), une structure de cubes de béton noir appelés “chapelles” qui présente l’histoire de la Première Guerre mondiale dans le Nord et le Pas-de-Calais.
Parmi ses projets en cours de réalisation, Pierre Louis Faloci a sélectionné la rénovation et l’agrandissement de l’École nationale supérieure d’architecture de Toulouse. Le bâtiment ancien de l’architecte grec Georges Candilis y est conservé : évidé pour mettre à jour l’ossature en béton et créer des volumes cathédrale, il accueillera la bibliothèque, la cafétéria et un centre de recherche. Le nouveau bâtiment, semi enterré, en béton et terre cuite, accueillera les salles de classe, deux amphithéâtres, des ateliers et les services administratifs.
En sortant de la Cité de l’architecture et du patrimoine, il y a fort à parier que le visiteur aura dépoussiéré son point de vue sur le métier d’architecte et l’intégrité intellectuelle qu’il exige.
À Pierre-Louis Faloci, le mot de la fin, et ce conseil qu’il donnait à des étudiants de l’Ecole nationale supérieure de l’architecture de Paris-Belleville : « Ne jamais oublier que l’architecture est avant tout “une cause”. »