Avant tout, respecter l’œuvre et la mémoire de Dali
Directeur du musée Dali, déjà en poste lorsque le projet du nouveau musée a pris forme, le Docteur Hank Hine, se souvient : « Je voulais que le bâtiment exprime deux aspects importants de l’art et de la personnalité de Salvador Dali. Premièrement, les qualités classiques de son excellente technique de peintre, deuxièmement, le fantastique. Dali métamorphosait le monde objectif dans ses œuvres. Il était important de retrouver cette dimension dans le bâtiment.
Lui-même a dessiné plusieurs structures architecturales au cours de sa vie, chacune avec une forte expression artistique. Aussi, nous avions de nombreuses sources d’inspiration. »
Un coffre aux trésors en béton
Le nouveau musée a été dessiné par l’architecte Yann Weymouth* du cabinet HOK. Rebaptisé « Le coffre aux trésors », son enveloppe euclidienne en béton armé est capable de résister aux formidables ouragans tropicaux.
Une précaution indispensable pour le Dr Hank.
« Notre situation en front de mer de Tampa Bay nous imposait de mieux abriter nos exceptionnelles collections. Le musée est une structure de trois étages en béton coulé. Les murs de 45 centimètres d’épaisseur sont testés au vent et à l’eau. Ils offrent une protection contre une tempête de catégorie 5. »
Un dôme géodésique très « Dalinien »
Pour adoucir la sévérité de ce cube de béton, les architectes ont conçu deux formes souples et organiques. Elles sont composées de 1062 triangles de verre stratifié solidement sertis dans une grille géodésique d’acier : Igloo, haute de 14 mètres, regroupe et éclaire les ouvertures du musée et Enigma, haute de 23 mètres, qui inonde de lumière naturelle l’atrium du musée.
Pour l’architecte, le contraste des matériaux est saisissant : « l’un, le béton nu, est fort, brutal et l’autre est beaucoup plus délicat, comme une toile, un flux, un scintillement, une forme presque fluide de verre. »
Le Dr Hank Hine, quant à lui, livre une interprétation « Dalinienne » de cette verrière.
« Ce dôme géodésique n’est pas seulement un hommage au musée Dali de Figueras. Il suggère, comme Dali l’a souvent fait dans ses œuvres, qu’il y a plusieurs façons de voir les choses. L’architecte a eu l’idée de tordre ce dôme, ainsi, il semble liquide et en mouvement. »
Double spirale de béton pour l’escalier monumental
Dans l’atrium du musée, un exceptionnel escalier en spirale a été coulé sur place, en béton. Il conduit les visiteurs depuis le rez-de-chaussée jusqu’aux galeries du troisième étage.
« Cet escalier hélicoïdal du foyer monte vers la voûte du ciel comme l’échelle de Jacob. Dali avait une obsession pour la structure à double hélice de l’ADN. Il y voyait la preuve du divin dans la nature, explique le Dr Hank. Vivre chaque jour dans ce bâtiment est remarquable. Les visiteurs sont émerveillés par l’escalier. C’est comme une turbine qui rayonne dans l’ensemble du musée et diffuse son énergie. »
Pari gagné !
Le musée accueille entre 360 et 450 000 visiteurs chaque année. Sur 20 000 mètres carrés ils viennent admirer 96 toiles du Maître, mais aussi ses dessins, aquarelles, illustrations, photographies et sculptures… 2 100 œuvres en tout, sans compter les expériences de réalité augmentée proposées aux visiteurs.
Pour Yann Weymouth : « Notre pari était de trouver comment répondre aux contraintes techniques du musée et du site, d’une manière qui exprime le dynamisme de ce grand mouvement artistique. Il est très important que le bâtiment parle au Surréalisme sans le trahir. »
Pari gagné ! Le musée est aujourd’hui classé parmi les plus beaux bâtiments de Floride de ces cents dernières années selon l’American Institute of Architects et parmi les vingt plus beaux musées du monde.
* Yann Weymouth a travaillé avec Leoh Ming Pei sur les chantiers de la National Gallery of Art de Washington, D.C. et sur celui du Grand Louvre à Paris. On retrouve à St Petersburg la structure triangulaire chère à Pei et le principe de l’escalier monumental de la pyramide du Louvre.