Le Musée de la Poste, dont la façade en béton sculptée de style brutaliste est alignée sur celles des immeubles du boulevard de Vaugirard qui file discrètement le long de la gare Montparnasse, fait partie de ces pépites culturelles dont la capitale regorge mais dont ces enfants gâtés de Parisiens ignorent parfois jusqu’à l’existence. Ce n’est pourtant pas pour redynamiser sa fréquentation, plutôt satisfaisante pour les expositions temporaires présentées au rez-de-chaussée, que Poste Immo a décidé en 2012 de totalement reconfigurer cet équipement culturel conçu par l’architecte moderniste André Chatelin, Grand Prix de Rome, et inauguré en 1973.
Cette intervention très forte à l’intérieur du musée a été rendue obligatoire pour des questions réglementaires. Il n’était en particulier plus accessible aux personnes à mobilité réduite (PMR) avec notamment une suite de 14 plateaux d’exposition répartie en spirale dans les étages, dont seuls quatre étaient accessibles par ascenseur.
« L’autre objectif était d’inciter les visiteurs à se diriger davantage vers cette partie haute du musée où se situe la collection permanente, mais qu’on ne voyait pas en pénétrant dans le bâtiment », se souvient Frédéric Jung, l’architecte qui a réalisé le projet.
Le cœur de cet immeuble de huit étages était en effet divisé par le noyau central en béton, un mur épais contenant ascenseurs ainsi que circulations techniques et qui divisait en 14 les plateaux d’exposition représentant un quart de niveau.
Jouer la carte de la transparence
« Notre travail a consisté à dégager de la surface au milieu du bâtiment en détruisant le noyau et en situant les verticales techniques et de circulation latéralement. Une grande trémie verticale créée au centre de ces nouveaux plateaux reconstitués, et dans laquelle sont suspendues des figures totémiques du transport postal, offre une vue directe sur les surfaces d’exposition de la collection permanente depuis l’accueil du rez-de-chaussée. Nous avons conservé l’idée de Chatelin d’une longue descente par un escalier mais le nombre de plateaux a été limité aux quatre principaux, desservis par les ascenseurs et agrandis sur toute la surface du niveau. Les PMR peuvent ainsi visiter l’ensemble du musée. »
Afin de rendre les collections permanentes plus attrayantes, la partie haute de la façade arrière, entièrement aveugle à l’origine, a été percée de plusieurs ouvertures.
« Dans les années 60 et 70, l’usage était aux musées « black box » (boite noire). On ne faisait pas entrer la lumière naturelle, ce qui permet une meilleure conservation des pièces, mais donne aussi un côté austère. C’est pourquoi nous avons mis à nu l’enduit pour révéler l’ossature en béton brut de la façade arrière et évidé les remplissages en parpaings afin de les remplacer par du vitrage ou des bardages en aluminium, inox ou zinc bruts, créant un camaïeu de gris, hommage aux toits parisiens. »
Le 7ème étage, qui accueille une salle de conférences, a été également ouvert par une baie vitrée qui offre une magnifique vue sur Paris.
Hormis le squelette en béton du bâtiment et quelques parois laissées brutes, la façade principale seule a été conservée.
« C’est une proposition assez remarquable avec l’ajout harmonieux et plutôt rare pour le style architectural brutaliste d’éléments sculptés en relief insérés dans des cadres en béton. Il y une vraie collaboration entre Chatelin et le sculpteur Robert Juvin.
Le travail des compagnons sur ces parpaings en facettes et triangles formant des figures géométriques, caractéristiques de l’époque, est aussi à noter. Pour la façade, Chatelin a utilisé du béton architectonique sophistiqué avec des cannelures très précises, ce qui le ramène probablement à son expérience dans l’atelier de Perret. Le béton, qui a juste été nettoyé et hydrofugé car il est en bon état, est très maitrisé avec des ciments et des agrégats très pales, du calcaire et du marbre. La façade est particulièrement belle quand, en fin de journée, la lumière est rasante. »