Comment ce programme de fresques est-il né ?
Le projet Royal-Hamilius est un ensemble architectural de prestige qui s’étend sur 36 000 m2, au cœur de la capitale du Grand-Duché. Conduit par l’architecte Norman Foster, il comprend logements, bureaux, grands magasins, espaces publics et espaces verts.
Au total, 46 000 m3 de béton ont été mis en œuvre. Nous avons proposé au CEO de CODIC international, Thierry Behiels, un programme de fresques pour orner les six niveaux du parking, et créer un véritable espace d’art contemporain.
C’était un projet un peu fou mais une telle superficie de béton brut, entre les niveaux -2 et -7, offrait un emplacement rêvé pour un tel programme !
Nous défendons depuis des années la nouvelle école de peinture française. Le promoteur avait beau être aussi un collectionneur passionné d’art contemporain, il a fallu le convaincre, lui prouver la cohérence des artistes en termes de couleurs, de thèmes.
D’emblée le projet s’est inscrit dans le cadre d’un mécénat. Plus que la valorisation financière des biens, c’est le choix délibéré d’amener l’art dans les parkings qui a primé.
Un challenge pour ces artistes contemporains, qui n’avaient aucune expérience de fresquistes et devaient passer du format limité d’une toile à des dimensions monumentales.
Pourtant très peu ont répondu « Mon travail dans un parking, mais vous n’y pensez pas ! »
Nous avons présenté 28 dossiers d’artistes, confirmés ou émergents sur la scène internationale, que nous suivons depuis longtemps. Six ont été retenus, trois hommes, trois femmes : une parité fortuite pour cette première artistique en Europe.
Quels étaient les points clés du cahier des charges ?
Nous souhaitions un retour à la peinture murale et aux fresques, un exercice très différent du Street art qui utilise ses bombes de couleur et a ses propres codes.
Chaque artiste avait deux fresques à son étage : une grande de 10 à 17 m de longueur par 2,50 m de hauteur, positionnée devant les ascenseurs, et une plus petite de 6,5 m par 2,50 m. Le thème « végétal » a été retenu, afin que les projets soient faciles à comprendre par le grand public et pour participer au climat de sécurité dans les sous-sols.
Nous avons indiqué les dimensions aux artistes. Ils ont réalisé une étude à l’échelle, chacun à sa manière. Par exemple, trois photos pour Lise Stoufflet, tandis que Kosta Kumlundzic présentait une maquette au 1/10e. D’autres artistes ont envoyé des projets à la gouache ou constitué des dossiers très institutionnels de 30 pages.
Quel a été le calendrier du projet ?
La seule fenêtre de tir que nous avions pour la réalisation des fresques était entre la fin du mois d’août et le 7 septembre 2018. Chaque artiste est venu avec un assistant.
Le jour J, ils étaient stressés par le moindre retard. Dix jours pour réaliser deux fresques monumentales ! Et dans les conditions d’un chantier : pas d’ascenseur, des escaliers impraticables.
Il fallait emprunter les rampes pour rejoindre, casqué, les fresques. Les portables ne passaient pas, ils étaient complètement isolés pendant de longues heures. Privés de lumière du jour, les biorythmes ont été mis à l’épreuve.
Une demi-journée pour tout bâcher, et les artistes se sont mis au travail sur les parois de béton brut. Tous se sont laissé embarquer dans leur histoire et dans cette belle aventure humaine avec ses moments d’euphorie et d’angoisse.
Comme Axel Sanson, le seul à peindre à l’huile pour atténuer la dureté du mur de béton. Sentant son travail lui échapper, il a voulu repeindre son travail en blanc et tout recommencer. Heureusement, il a pu récupérer son énergie et achever sa très belle fresque.
Chaque artiste a été filmé et photographié tout au long de son travail par le photographe Charles Duprat. Pour nous, quelle chance de les voir travailler in situ !
Comment les lieux vivent-ils aujourd’hui ?
Le public est ravi. L’endroit est quasiment devenu une destination qui s’inscrit dans le parcours d’art contemporain de la ville. Il y a eu un défilé de mode devant une fresque, une danseuse étoile est venue interpréter une chorégraphie devant une autre. Les parkings sont les nouvelles portes des villes, les points d’accès incontournables à la consommation, un peu les cathédrales du XXIe siècle, et ils offrent des surfaces de béton brut infinies pour accueillir d’autres programmes culturels !