D’école en musée
L’École d’horlogerie de La Chaux-de-Fonds, dans le canton de Neuchâtel, en Suisse, a ouvert ses portes en 1865. Les professeurs avaient pour mission de constituer une collection destinée à la formation des élèves.
Ouverte au public en 1902, elle devient le Musée de l’horlogerie qui sera rebaptisé Musée international d’horlogerie (MIH) en 1968. Un concours d’architecture est lancé pour abriter ce qui est devenu la plus importante collection au monde consacrée à l’histoire de la mesure du temps. Elle présente non seulement des montres et des horloges dont certaines remontent au XVIe siècle, mais aussi l’histoire artistique, technologique, sociale et économique de l’horlogerie.
Explorer les possibilités de l’architecture souterraine
Plus de trente projets sont en lisse pour le nouveau bâtiment, mais le contexte topographique est compliqué. Sur le parc public où est prévu le musée, se trouvent déjà le Musée des beaux-arts et le Musée d’histoire.
Comment placer 2 000 m2 de surface d’exposition, une salle de conférence, des ateliers de réparation et une bibliothèque ? Les architectes Pierre Zoelly et Georges-J. Haefeli relèvent le challenge. Ils décident d’explorer les possibilités et les limites de l’architecture souterraine.
Ensemble, ils vont faire du Musée international d’horlogerie, une œuvre d’architecture contemporaine. Pour eux, le MIH, « c’est le premier exercice intégral en Europe d’architecture troglodyte contemporaine ».
400 voûtins en béton
Entre 1972 et 1974, ils vont devoir enlever 35 000 m3 de terre et aménager plus de 10 000 m2 de terrain. Le projet comporte un volume souterrain de 20 000 m3 et une surface totale de 3 770 m2. Ils vont creuser dans le flanc du terrain et couler une structure en béton qui épousera la déclivité du site sur trois niveaux. Le béton, tout à la fois matériau brut et produit fini, va s’avérer le matériau idéal. Il supporte de grosses surcharges de terre et les poussées latérales.
Pour obtenir la résistance nécessaire, la structure intérieure – l’ossature du musée – se compose de cadres continus supportant 400 voûtins en béton préfabriqués recouverts d’une dalle de répartition. Ces portiques préfabriqués en béton en forme de T, d’une vingtaine de mètres de long, supportent le plancher nervuré sur une portée de 5 mètres. La lumière intérieure est assurée par des ouvertures zénithales.
Vagues et contre-vagues
Extérieurement, le parti pris architectural est audacieux. Le musée s’ouvre sur l’extérieur par les larges vitrages de l’entrée. Ces vitres sont intégrées dans des murs et avant-toits de forme incurvée surgissant avec force dans le parc.
Pour Pierre Zoelly et Georges-J. Haefeli, « ces murs en vague et avant-toits en contre-vagues qui leur font écho s’inspirent des bords de mer et des belles structures de protection qu’on y trouve. Les nôtres sont particulièrement lisibles après les tempêtes de neige. »
Les seules parties visibles dans le parc sont l’entrée dans la pente nord ; les hauts-jours pour les ateliers ; la toiture sur le secteur des instruments astronomiques en forme d’arène et les bureaux de l’administration.
Inauguré en 1974, le bâtiment reçoit de nombreuses récompenses. Le Prix de l’architecture béton en 1977 puis, en 1978, le Prix européen du musée de l’année 1977. À cette occasion, Kenneth Hudson, journaliste et muséologue, écrira dans National Heritage : « L’éclairage ingénieux, le choix des niveaux et la division de la surface d’exposition en espaces indépendants et pourtant toujours visibles atteignent les limites de l’impossible dans le monde des musées – le visiteur est sans cesse stimulé sans jamais être épuisé. »
Un autre manifeste du brutalisme venait de voir le jour dans la villle natale du Corbusier.