Vaste projet pour la petite Maison des champs
Peintre, sculpteur, céramiste réputé, Robert Tatin (1902-1983) souhaitait réaliser son grand œuvre autour de sa petite Maison des champs, achetée en 1961 : un ensemble de statues et de constructions – somme de ses rencontres, expériences et voyages – serait un pont entre toutes les civilisations.
« Profondément marqué par les horreurs de la guerre, Robert Tatin cherchait un langage universel, explique Bruno Godivier, directeur du musée Robert Tatin depuis 2004. Il était très important pour lui que des visiteurs du Japon, du Canada ou d’Australie, reconnaissent des éléments de leur propre culture. »
Une « archi-sculpture » est ainsi née, au décor foisonnant, nourrie par de profondes réflexions philosophiques et politiques, mais aussi par un long séjour au Brésil où Robert Tatin a appris la technique du voile de béton sur le chantier de la ville de Belo Horizonte.
Foisonnement hétéroclite
Construit pendant 21 ans avec l’aide de Lise, son épouse, l’ensemble architectural de Cossé-le-Vivien est très structuré. L’entrée se fait par un long chemin initiatique bordé de 19 statues : l’Allée des géants. Vercingétorix et Jeanne d’Arc cohabitent avec la représentation symbolique des verbes Être et Avoir, et avec celle de ses maîtres en peinture et en littérature. Le Douanier Rousseau, Jules Verne, André Breton, Seurat, Picasso et Suzanne Valadon guident le visiteur vers la Porte des géants, où l’attendent Rembrandt, Van Gogh, Léonard de Vinci, Goya et Delacroix.
« Pour corriger la perspective du terrain en pente, Robert Tatin a choisi de faire grandir progressivement la hauteur des statues, qui passe de 2 m 50 à 4 m 50 », précise Bruno Godivier. Tout près, le Dragon, bienveillant gardien de la connaissance, donne accès au Jardin des méditations, vaste cloître autour d’un bassin qui évoque la rotation de la terre, les cycles de la vie et de la sagesse. Monumentale, Notre Dame de Tout le Monde règne sur les lieux.
Simple mais pas simpliste
Longuement mûri sur le papier, chaque élément est rapidement réalisé en béton, puis peint. Quinze jours suffisent pour fabriquer un géant, à l’aide d’une buse en béton plantée dans le sol, d’une armature métallique, et de plusieurs couches de béton projeté puis peint.
Pour éviter les chocs thermiques, les sculptures sont creuses. Si leur structure est stable, il faut en permanence restaurer les peintures et surveiller les mousses et lichens. Restaurer la totalité des lieux mobilise une équipe de deux personnes, par cycles de 10 ans. Pour Bruno Godivier, « c’est une œuvre très vivante, toujours en mouvement ».
Une œuvre devenue musée
Le site a dès l’origine une vocation muséale. Lieu communal dès 1967, il devient musée « contrôlé » en 1969 grâce à l’appui de De Gaulle et de Malraux, puis il est classé Musée de France en 2002. Il vient aussi de recevoir le label « Maisons des Illustres », signalant au public les lieux qui conservent la mémoire des personnalités qui les ont habités et se sont illustrées dans l’histoire politique, sociale et culturelle de notre pays.
Et quelle personnalité, Monsieur Tatin ! Les années 60, voient en lui un artiste naïf dans la lignée du Douanier Rousseau ; André Breton le labellise Surréaliste en 70 ; et il est identifié « Art brut » en 80… Mais il se fichait pas mal de ces étiquettes, lui qui repose depuis 1983 devant sa petite maison, tout près des portes du Soleil et de La Lune.