Dans la récente restructuration de la cuverie du Château Beauséjour, domaine viticole de Saint-Émilion, deux dimensions coexistent : fonctionnelle et esthétique. La première est directement liée à la qualité de la production. Joséphine Duffau-Lagarrosse, copropriétaire, souhaitait des cuves de petite taille de manière à pouvoir vinifier séparément les raisins issus des différentes parcelles du vignoble. Autre requête : disposer de contenants aussi hauts que larges afin de maîtriser au mieux la macération alcoolique.
Un chantier exigeant pour la création d’un sanctuaire
Pour répondre à ces attentes, l’agence bordelaise BPM Architectes a fait installer 14 cuves en béton en remplacement des huit cuves préexistantes. La phase opérationnelle cumulait les défis : exiguïté des lieux – à peine plus de 100 m2 pour insérer les nouvelles installations –, présence de galeries calcaires en sous-sol, trop fragiles pour permettre le transport des cuves en surface – d’où la mobilisation d’une grue télescopique avec un bras déporté pour les déposer directement dans leur lieu de destination –, et surtout contraintes de délais. « Nous avons eu sept mois, entre janvier et juillet 2024, pour réaliser le chantier, précise Arnaud Boulain, architecte associé et fondateur de BPM Architectes. L’équipe du Château Beauséjour a ainsi eu le temps de découvrir son nouvel outil et de prendre ses repères avant les vendanges. »
Le moindre détail imprimé dans le béton
S’agissant de la dimension esthétique du projet, le maître d’ouvrage voulait un geste architectural sans ostentation, pour rendre hommage au domaine et à son histoire. BPM Architectes a répondu par une proposition atypique : l’incrustation, sur la surface des cuves, d’un bas-relief donnant à voir le panorama du vignoble.
« La prise de photographies aériennes nous a permis d’élaborer une fresque détaillée. Cette dernière a ensuite été convertie en format vectoriel pour servir de base aux matrices de coffrage en silicone », explique Arnaud Boulain. Lorsqu’il s’agit d’incruster un blason ou des initiales à la surface du béton, des matrices simples suffisent. Pour le Château Beauséjour, la volonté de restituer toute la finesse du dessin, comme par exemple le feuillage des arbres, a exigé de moduler diverses profondeurs jusqu’à 8 mm. « Ce travail complexe a nécessité plusieurs essais pour apporter la matière et la perspective attendues. »
Lors de la phase de production, les artisans du préfabricant CLC France ont positionné avec précision les matrices dans les coffrages, en veillant notamment aux raccords afin que toutes les parties du relief soient parfaitement alignées. Pour préserver l’intégrité du dessin, les finitions ont été réalisées au scalpel.
Un projet qui fera date dans l’histoire du domaine
Pour Joséphine Duffau-Lagarrosse et Prisca Courtin, copropriétaires du Château Beauséjour, le paysage sculpté sur les cuves en béton raconte une histoire d’enracinement et propulse la propriété vers un nouveau chapitre de son histoire. À chaque visite, le bas-relief fait l’admiration des professionnels.
Arnaud Boulain voit dans cette réussite l’illustration des infinies possibilités du béton, y compris dans un cadre marqué par les contraintes d’usage vinicole propres à un domaine d’élite.