Plateforme 10, the new place to be
En 2015, la ville de Lausanne a organisé un concours d’architecture pour créer un lieu convivial dédié aux arts modernes et à la détente sur les 25 000 m2 du site des anciennes halles aux locomotives.
Baptisé Plateforme 10, le terrain borde les voies de chemin de fer avec une vue imprenable sur le Léman et les montagnes. Trois nouveaux musées y sont implantés. Le long bâtiment monolithique du Musée cantonal des Beaux-Arts est sorti de terre le premier, en 2019.
Puis les architectes « stars » portugais Francisco et Manuel Aires Mateus ont conçu un second bâtiment, inauguré en juin 2022. Ils ont imaginé « Un musée, deux musées » : un grand cube de béton blanc, percé d’une large faille pour accueillir, d’une part, le Musée cantonal de design et d’arts appliqués contemporains – le Mudac, dédié aux arts verriers, à la bijouterie, aux arts graphiques et à la céramique – et, d’autre part, le musée Photo Élysée consacré à la photographie, dont les collections sont riches d’un million de documents – négatifs, planches contact et tirages depuis les années 1840, ainsi que les 4 500 œuvres originales de la collection Polaroïd européenne.
Un monolithe inspiré par Magritte
Les deux frères sont réputés pour leur architecture sobre, aux découpes franches et aux volumes simples et abstraits.
Pour Manuel Aires Mateus, « l’architecture est un art complet qui trouve sa finalité dans la vie. Pas de maison sans ses habitants, pas d’église sans ses croyants. Il s’agissait de s’inscrire à la fois dans l’échelle du site et de la ville. »
Le bâtiment de 42 mètres sur 42, et d’une superficie de 14 400 m2, est inspiré d’une toile de Magritte, Le château des Pyrénées. Il est fendu horizontalement sur toute sa longueur.
Un géant pourrait soulever le couvercle de cette boîte insolite qui semble flotter dans les airs. Séparées par une ondulation géométrique vitrée, les deux masses de béton sont indépendantes sur toute leur périphérie.
Seuls trois points d’ancrage soutiennent la dalle supérieure. Ces trois noyaux porteurs servent aussi de circulation verticale pour les monte-charges et escaliers de service.
Des escaliers imposants, conçus comme des sculptures, relient sous-sol et rez-de-couroccupés par Photo Élysée – peu éclairés pour protéger les tirages photosensibles –, avec l’étage supérieur, inondé de lumière zénithale afin de mettre en valeur les objets de design du Mudac.
Les prouesses du béton
Le projet a nécessité l’excavation de 70 000 m3 de terre. Pour installer les plateaux d’exposition de Photo Élysée et aménager des espaces de stockage, le bâtiment plonge dans le sol à 16 mètres de profondeur.
Environ 15 000 m3 de béton ont été mis en œuvre ainsi que 2 300 tonnes d’acier pour réaliser son enveloppe. Vingt-deux panneaux ont été alignés pour un rendu linéaire de 44 mètres sur 12 mètres de hauteur.
Le tout a été coulé en une seule fois, en utilisant une banche de coffrage spécifique aux ouvrages d’art de grande hauteur. Il n’y a pas de porte, on entre par la faille.
À l’intérieur, 59 facettes de béton modèlent l’espace d’accueil. Selon leur inclinaison, elles forment de grandes hauteurs d’étages ou de très petites.
Photo Élysée, en sous-sol, est composé d’une structure en béton armé avec un radier général, des murs et plusieurs dalles. L’ensemble est monolithique pour garantir l’étanchéité parfaite nécessaire aux précieux documents stockés. Un plateau de 1 400 m2 ouvert sur plusieurs patios accueille expositions thématiques, conférences, ateliers et création numérique.
À l’étage, la dalle du Mudac est épaisse de 60 cm. Elle est composée d’un treillis métallique portant dans les deux sens et renforcé par des sommiers en béton armé.
Pour en alléger le poids, des corps creux de 40 cm de diamètre sont répartis à certains endroits. Pour mener à bien ce projet, une maquette numérique 3D a été utilisée.
Comme souvent dans le travail de Francisco et Manuel Aires Mateus, l’ensemble est paradoxalement dense et d’une incroyable légèreté.
« Nous voulions que, quel que soit l’endroit où l’on se trouve dans le foyer, on soit toujours dans la transparence, avec l’impression d’être à l’extérieur », expliquaient-ils lors de l’inauguration de ce nouveau haut lieu de l’architecture contemporaine.