Des travaux de titan
Pour réaliser le parc des Buttes Chaumont, des travaux titanesques sont engagés par Alphand et ses collaborateurs. Le but du projet, à la fois hygiéniste et spéculatif, est de créer un grand espace vert à l’Est de Paris, plutôt malfamé. Les restes des carrières de gypse seront utilisés pour créer des paysages qui évoquent la montagne ou les falaises d’Etretat.
Sur un terrain très accidenté de 24 hectares, on mélange roches artificielles et naturelles. Pour planter les arbres et aménager les zones de prairie, des centaines de milliers de mètres cube de terre sont apportés. Un lac est créé d’où émerge l’île du Belvédère, haute de 30 mètres. Au sommet, le kiosque de la Sybille – une copie du temple de Vesta à Tivoli – offre une vue imprenable sur Paris. Au sud du lac, une grotte de 20 mètres de haut abrite une cascade et des stalactites.
Le ciment et le béton armés sont présents sous toutes les formes : radier de fondation, parois artificielles, jardinières, emmarchements et garde-corps. En 1869, le jardinier anglais William Robinson s’offusquait de ce musée du ciment et du béton.
Rusticage et rocaillage
A la mode du XIXe siècle, le parc fait largement appel à des imitations de bois et de rochers en mélanges de béton et de ciment. Le rusticage imite des rondins de bois pour créer bancs et rambardes, le rocaillage reproduit la pierre des rochers.
Comme l’explique Michel Racine dans son ouvrage “Jardins au naturel”, « les rocailleurs composent de vastes paysages géologiques en recourant aux fers ronds et au fils de fer en guise d’armatures pour les fausses concrétions et les faux bois, en accumulant les couches de ciment et en les sculptant de plus en plus finement ».
On peut toujours voir, aux Buttes Chaumont, la plaque de l’entrepreneur de travaux publics, spécialisé dans les ouvrages de ciment armé, qui a confectionné ces aménagements : « J. Chabrat : Rocaillage – Cascades, grottes, rivières ».
Une rénovation de 15 ans
Mais, avec le temps, les infiltrations d’eau attaquent le gypse et les ciments : des éboulements se produisent et des fissures apparaissent. Les rochers s’enfoncent et s’inclinent. Le pic érodé bascule dangereusement vers le lac, et les jardinières de béton de la falaise se décrochent. En 1999, il devient indispensable d’engager un vaste chantier de rénovation.
Au début des années 2000, les travaux commencent. Très fragilisés, les sous-sols en gypse sont consolidés par des injections de béton. En collaboration avec l’historienne des jardins Elisabetta Cereghinie, le bureau d’étude Arcadis est chargé de la maîtrise d’œuvre technique, le paysagiste Yves Deshayes de la restauration du parc et l’Atelier Artistique du Béton de la restauration des rusticage et rocaillage.
L’objectif de la Ville de Paris était d’avoir un parc rénové à l’occasion de son 150e anniversaire, le 1er avril 2017. Pari presque tenu : la cascade et les rivières ne couleront qu’en fin d’année.
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organisées par la Direction des espaces verts et de l’environnement dans le cadre des commémorations.