À l’occasion des 50 ans de l’aérogare 1 de Roissy-Charles-de-Gaulle, la Cité de l’architecture et du patrimoine à Paris organise une grande rétrospective sur son architecte : Paul Andreu, l’architecture est un art.
Une importante donation de son épouse, Nadine Eghels, comprenant archives et carnets de travail, a permis de créer un parcours thématique et de présenter 280 œuvres originales dans la « cathédrale » – la galerie basse de la Cité.
Le passage de la terre au ciel
Maquettes, plans, coupes, croquis et photographies restituent la contribution fondamentale de Paul Andreu à la conception d’une vingtaine d’aéroports tels que celui de Dar Es Salaam, en Tanzanie, ou à de grands chantiers, comme la Grande Arche de la Défense.
L’exposition retrace également son importante production en Asie, où il fut l’un des rares Français à s’imposer dès la décennie 1980, sur le chantier de l’opéra de Pékin ou celui du musée maritime d’Osaka par exemple.
Pour Stéphanie Quantin-Biancalani, commissaire de l’exposition, « Le passage de la terre au ciel est un thème qui a habité Paul Andreu pendant toute sa vie. Ses réalisations aéroportuaires, mais aussi culturelles, sont des parcours ascensionnels où se succèdent les séquences spatiales. Ce sont généralement des galeries souterraines, sombres, resserrées sur le corps, qui débouchent sur des espaces aériens, lumineux et ouverts. Il y a là toute une symbolique liée à l’envol, à la fois réel et poétique. »
Illustré par le très riche fonds photographique d’ADP, l’aérogare 1 de Paris-Nord, le futur Roissy-Charles-de-Gaulle, est tout particulièrement emblématique de l’œuvre de Paul Andreu.
Roissy 1 : une entrée dans la modernité
Tout au long des années 1960, le trafic aérien se développe de manière spectaculaire et, en 1964, les aéroports de Paris-Orly et Paris-Le Bourget sont saturés.
Un conseil interministériel décide la construction d’un nouvel aéroport, à 22 km au nord de Paris, et Henri Vicariot, créateur d’Orly et architecte en chef d’Aéroports de Paris, confie le projet à Paul Andreu qui n’a que 29 ans.
Formé à Polytechnique, aux Ponts et Chaussées et aux Beaux-Arts, le jeune homme conçoit un bâtiment radicalement différent du rectiligne aérogare d’Orly.
Les travaux démarrent en 1966 par la création de deux pistes de 4 000 mètres, distantes de 2 500 mètres.
Inauguré le 8 mars 1974, l’aérogare 1 de Roissy-Charles-de-Gaulle accueille son premier vol commercial cinq jours après : un Boeing 747 en provenance de New-York.
Avec une capacité annuelle de 10 millions de passagers, la rotonde du Terminal 1 est érigée en icône des Trente Glorieuses. Baptisée « le camembert », elle symbolise Paris Charles-de-Gaulle dans le monde entier.
Géométrie audacieuse
Le plan de Paul Andreu est révolutionnaire : une série de disques de 200 mètres de diamètre aux façades opaques en béton, sans entrée principale, ouverts sur un vaste puits de lumière central.
Entre les troisième et cinquième niveaux, des tubes transparents abritent des escaliers mécaniques qui s’entrecroisent d’un étage à l’autre.
Des passages souterrains rejoignent les sept satellites où se trouvent les salles d’embarquement. Pour gagner en fluidité, arrivées et départs sont séparées.
Le parti pris architectural de Paul Andreu était de mettre en œuvre du béton brut apparent, tant à l’extérieur pour les piliers, rocades, tunnels, façades, qu’à l’intérieur pour les parements des gaines verticales, des poutres et des sous-faces des planchers. Des cannelures en pied des voiles des espaces publics protègent les bétons des agressions.
Afin d’humaniser l’aménagement intérieur et la signalisation du bâtiment, Paul Andreu forme un groupe de travail pluridisciplinaire composé du designer Joseph-André Motte, du coloriste Jacques Fillacier, du typographe Adrian Frutiger, de Bernard Patarin et d’Olivier Katian, respectivement sociologue et directeur d’une Maison de la culture. Le groupe comprend également le sculpteur Antoniucci Volti, qui imagine des bas-reliefs en béton évoquant les cinq continents dans la zone des départs.
Le béton brut, expression de vérité
L’exposition de la Cité de l’architecture et du patrimoine démontre l’intérêt de Paul Andreu pour le béton, qu’il considérait comme la pierre du XXe siècle, sous les auspices de Frank Lloyd Wright et de Alvar Aalto qui l’inspiraient.
Pour lui, « Le béton est venu à point nommé pour donner de la liberté aux gens ».
Et il s’est naturellement imposé, pour cette première commande importante que fut Roissy 1. D’autant que l’architecte, « sensible à l’expression de la vérité du matériau typique du béton brut », détestait les habillages.
Ce béton, qu’il a vu évoluer tout au long de sa carrière jusqu’à devenir une matière high-tech, lui a permis d’exprimer sa profession de foi et la poésie de son architecture : « Tout ouvrage vivant sort incomplet des mains de l’architecte et il faut le confier aux éléments, à la lumière, au vent, à l’eau, pour qu’il s’achève. […]. Mais le plus important pour moi, c’est l’espace lui-même, sa structure, sa limite que définit la matière en s’opposant à la lumière ou en se fondant en elle. »