Voir sans être vu. Tel pourrait être la devise de cet édifice insolite, à la fois immense et discret, remarquable et furtif. Écrasé par la vertigineuse cathédrale gothique de Beauvais qui lui fait face, cet « observatoire » mérite pourtant lui aussi d’être vu.
Bâti en 1976, le Quadrilatère a été conçu par l’architecte André Hermant, grand serviteur de la politique culturelle de Malraux qui a notamment réalisé avec l’artiste lui-même le musée Chagall de Nice.
Le Centre d’art de la ville picarde était destiné à l’origine à la tapisserie mais ce bâtiment, plane et qui semble de taille modeste depuis le parvis de la cathédrale, offre en réalité 2 000 m² d’exposition pour l’art contemporain.
« Une surface sans équivalent dans le sud des Hauts-de-France », indique Lucy Hofbauer, la directrice du Quadrilatère.
Le « secret » se trouve dans cette forme tout en longueur dans l’axe de la cathédrale, semblable à un paravent, et à ce deuxième niveau en contrebas qui épouse le tracé d’un rempart gallo-romain voisin.
« À l’intérieur, André Hermant tire parti de la déclivité du site pour créer des jeux de double hauteur et rendre les espaces traversants entre la cathédrale et les vestiges antiques », note Simon Chatillon, directeur de la création de l’agence Chatillon Architectes chargée de concevoir l’opération de rénovation.
« Hermant s’inscrit dans l’école Moderniste, même si c’est de manière tardive. Il défend un design définitif et durable. L’architecte veut se fondre dans l’histoire en créant des dégagements sur les remparts, qui affleurent d’ailleurs à l’intérieur du bâtiment, et en mettant en valeur la crypte dévoilant une place publique gallo-romaine visible depuis les galeries d’exposition », précise Lucy Hofbauer.
Pour réaliser cet édifice si atypique, André Hermant, qui fut l’élève de Perret, a fait le choix du béton : brut pour le toit ondulé, revêtu d’enduit et peint pour les murs. Mais c’est surtout au niveau du parement de façade que le travail est remarquable.
« Des éléments préfabriqués émaillés ont été apposés sur la structure pour créer un motif d’un carré plein toujours suivi d’un demi. On le retrouve partout sur le monument, comme un motif textile qui vient habiller le lieu », souligne Lucy Hofbauer.
Escalier monumental
Le bâtiment n’étant plus aux normes incendie et accessibilité PMR (Personnes à mobilité réduite), une rénovation va être entamée d’ici quelques mois.
« Les façades sont restées en très bon état, nous allons simplement les nettoyer. L’essentiel de l’intervention sur le gros-œuvre se situera au niveau de l’articulation entre le hall d’entrée et les galeries, précise Simon Chatillon. La proposition d’André Hermant ne génère pas ici une grande qualité spatiale en comparaison avec le reste du musée. Le choix a donc été fait de démolir l’escalier existant et son grand palier afin d’en proposer un nouveau, plus généreux et permettant de rendre accessible les six demi-niveaux du bâtiment. Ce nouvel escalier monumental en béton armé sera composé à la fois de volées de marches et de rampes et accompagné d’un ascenseur. Il va générer un grand vide central permettant une dilatation spatiale plus importante, des connexions visuelles et un apport de lumière naturelle qui manquait à cet endroit, via le percement d’une nouvelle baie en façade. »
Ainsi transformé, le Quadrilatère, qui vise le classement Monument historique, ouvrira ses portes au printemps 2024.