Une centaine d’espèces ciblées
Favoriser le retour de la biodiversité en ville à l’heure où celle-ci occupe plus de 20% du territoire national, tel est l’objectif des jardinières en béton qu’expérimentent aujourd’hui l’Inra et le groupe Vicat.
Le nom de ce projet ambitieux ? Odyssée… un nom épique pour une aventure au long cours, à la fois végétale et animale.
À l’origine de ce projet, deux salariés de Vicat, passionnés par les enjeux écologiques et encouragés par la politique de développement durable du groupe (voir encadré) : Emmanuelle Salles, juriste en environnement, et Guillaume Michallet, ingénieur agronome chargé d’études.
« Au départ, nous nous sommes demandé dans quelle mesure nos matériaux pourraient favoriser la biodiversité en ville », explique Guillaume Michallet.
Les deux collègues se saisissent alors rapidement de la problématique du déclin des abeilles sauvages.
« Le programme européen Life Urbanbees, conduit par l’Inra et l’association naturaliste Arthropologia de 2010 à 2014 sur le Grand Lyon, a montré que les 360 espèces d’abeilles sauvages recensées dans la métropole lyonnaise (sur 1000 espèces en France métropolitaine) étaient présentes en ville, notamment grâce à l’effet d’îlot de chaleur urbain, qui allonge la période de fleurissement », énonce Emmanuelle Salles.
Des jardinières en béton fibré à ultra-hautes performances
Pour accompagner et faciliter cette présence, l’idée leur est alors venue de transformer un élément de mobilier urbain très courant – la jardinière – en un hôtel à abeilles pour fournir le gîte à quelques-unes de ces abeilles sauvages. Suivant une démarche expérimentale validée par l’Inra, en partenariat avec un designer et un atelier de préfabrication, les deux innovateurs ont alors conçu la jardinière béton Odyssée. Celle-ci est constituée d’un bac à fleurs tenu par deux structures en forme d’ailes de papillon, au sein desquelles sont logés quatre modules de nidification pour les abeilles sauvages.
« Dans la nature, les abeilles sauvages déposent leurs œufs et des réserves de nourriture (nectar et pollen) dans des cavités qu’elles creusent dans le sol ou elles aménagent des trous déjà présents dans des végétaux ou des talus escarpés, expose Emmanuelle Salles. Nos modules de nidification visent à imiter cet environnement naturel. »
Ces modules de béton triangulaires sont ainsi composés de nombreux trous de différents diamètres afin que diverses espèces puissent se les approprier et y déposer leurs œufs.
« Pour obtenir une structure à la fois fine, résistante et durable, tous les éléments de la jardinière sont en béton fibré à ultra-hautes performances (BFUP), que nous moulons à la forme voulue », poursuit Guillaume Michallet.
Premières conclusions au printemps 2019
A l’été 2018, les quinze premières jardinières en béton ont été installées au siège et dans plusieurs agences du groupe Vicat, partout en France…
« Aujourd’hui, la preuve de concept est faite, les abeilles sauvages ont très rapidement colonisé les modules », constate Bernard Vaissière, chargé de recherche dans l’unité Abeilles et Environnement de l’Inra Provence-Alpes-Côte d’Azur. Les abeilles sauvages devenues nymphes passeront l’hiver en dormance à l’intérieur des cavités. Au printemps 2019, devenues adultes, elles devraient en sortir et voler de leurs propres ailes.
« En fonction du nombre d’abeilles et d’espèces arrivées à maturité, nous pourrons évaluer l’efficacité de nos dispositifs et les adapter le cas échéant », précise Guillaume Michallet.
L’équipe prévoit de poursuivre l’expérimentation avec des modules de nidification intégrant plusieurs types de bétons : mousse de béton, béton de chanvre et béton standard.
« L’objectif scientifique de cette nouvelle série de tests est de comprendre comment les paramètres physico-chimiques des différents matériaux peuvent influer sur le développement et la physiologie des abeilles », commente Bernard Vaissière.
Autrement dit, il s’agira de déterminer quelles formules de béton sont les plus favorables à l’accueil des abeilles sauvages. Ces nouveaux modules seront installés au printemps 2019 : les premières conclusions sur cette seconde phase expérimentale sont attendues au printemps 2020.