Compenser les effets du viaduc sur la faune
La Nouvelle Route du Littoral, actuellement en construction à la Réunion, est conçue pour remplacer l’axe routier reliant Saint-Denis à la Possession, soumis aux éboulements parfois mortels de la falaise qui le surplombe. Projet titanesque, elle déploiera sur 12 km une alternance de digues et de viaducs implantés en plein océan Indien, entre 60 et 300 m de la côte. Le plus grand d’entre eux, le viaduc du Littoral, s’étendra sur 5,4 km.
Pour assurer l’équilibre environnemental de sa construction, de nombreuses mesures compensatoires ont été prises en faveur des écosystèmes locaux. Il a notamment été décidé que six des 48 piles de l’ouvrage seront équipées de modules préfabriqués en béton, destinés à accueillir la faune sous-marine.
Des niches en forme de nids d’abeilles
Prenant la forme de panneaux rectangulaires de 1,5 m de haut par 1 m de large, ces éco-récifs sont fixés verticalement au pied du fût de chaque pile, entre 4 et 7 mètres de profondeur.
Véritables nurseries pour les poissons, ils sont conçus pour protéger les juvéniles de l’attaque des prédateurs. À cet effet, « ils présentent des structures en nids d’abeilles déformés », précise Étienne Clamagirand, fondateur d’Architeuthis, cabinet marseillais spécialisé dans l’architecture écologique sous-marine, retenu par le groupement constructeur pour concevoir et fabriquer les éco-récifs. Chaque module comporte ainsi une trentaine de polygones irréguliers en 3D, constituant autant de niches pour les poissons et permettant également au corail de se fixer.
Leur pouvoir de recrutement a été confirmé par un test comparatif mené en 2015. « Au bout d’un an, nos éco-récifs accueillaient 400 % de poissons de plus que les modules témoins nus », se réjouit Etienne Clamagirand.
Du béton CCV à toute épreuve
Tout comme le viaduc, les modules devaient être adaptés aux conditions cycloniques très sévères de l’île. Ils peuvent ainsi résister à « des pressions de plus de 10 tonnes au m², correspondant à l’impact d’une vague centennale de 13 mètres de haut ». Pour supporter ces pressions, ils sont solidement ancrés dans le béton des piles grâce à un scellement chimique. Leur matériau constitutif est lui aussi particulièrement résistant. Il s’agit d’un béton Composite Ciment Verre (CCV), dont les fibres de verres se substituent aux armatures classiques du béton armé. « L’absence d’éléments métalliques élimine tout problème de corrosion et améliore la durabilité des panneaux », explique Étienne Clamagirand.
Fabriqués en Métropole, les 120 modules d’éco-récifs ont été acheminés à la Réunion pour être installés à terre, au cours de l’année 2016, sur l’aire de préfabrication des piles du viaduc. La Nouvelle Route du Littoral devrait quant à elle être mise en service à l’horizon 2020.