Restaurer la faune piscicole
En 1848, la préservation de la faune piscicole n’était pas encore à l’ordre du jour. Le pont ferroviaire qui enjambe le Vidourle à Gallargues-le-Montueux (Gard) repose donc sur un radier (socle en béton) classique, qui empêche maintenant, du fait de l’évolution du lit du cours d’eau, la migration des poissons et leur reproduction.
Ainsi, l’anguille, qui naît uniquement dans la mer des Sargasses, ne peut plus venir grandir dans les eaux douces du Vidourle avant de retourner sur son lieu de naissance pour s’y reproduire. Et l’alose, qui vit habituellement en haute mer, ne peut plus venir se reproduire en eau douce… « Ces poissons ont des cycles écologiques complexes car ils dépendent de deux milieux différents », souligne Jean-François Ruiz, Directeur du pôle environnement et développement durable de la Direction Territoriale Languedoc Roussillon de SNCF Réseau.
Aider les poissons à franchir l’obstacle
Pour remédier à cette situation, des travaux ont été menés de mai à octobre 2014. Le radier a été creusé et des plots, appelés « menhirs », ont été disposés sur le fond. « Ils ont pour but de réduire la vitesse de l’eau et de permettre aux poissons qui remontent le courant de se reposer », explique Sylvain Philippe, chargé du projet chez SNCF Réseau.
Autour des menhirs a été disposé un enrochement secondaire doté d’une surface rugueuse. « C’est une aide pour les anguilles, qui se déplacent par reptation », précise Jean-François Ruiz. Le niveau de ce nouveau fond est par ailleurs plus profond d’un côté afin de faciliter le passage de certains poissons, qui ont besoin de plus d’eau pour progresser et franchir l’obstacle.
Le béton, un atout écologique et économique
Le béton a constitué le matériau de prédilection pour cette passe à poissons. N’étant constitué que de ciment, d’eau, de sable et de granulats, il n’émet aucun produit toxique tout en présentant une résistance et une durabilité exceptionnelles.
« Il n’y aura pas de travaux à prévoir avant 50 ou 100 ans », résume Sylvain Philippe. Les menhirs sont en béton armé car le Vidourle a des sautes d’humeur, précise Jean-François Ruiz. « Lors des phases pluvieuses appelées “épisodes cévenols”, le débit peut dépasser les 1 000 m³ par seconde. »
Malgré ces aléas, l’entretien se trouve réduit au minimum, ajoute Sylvain Philippe : « Ce type de passe à poissons en enrochement en béton permet d’assurer son auto-épurement et son auto-entretien. Pour le reste, il suffit d’enlever les arbres ou les autres éléments qui resteraient coincés lors des décrues. »
Les aloses sont de retour : mission réussie
Cette passe à poissons portait de grands enjeux, rappelle Jean-François Ruiz : « C’est la première fois que ce fleuve est équipé d’un tel dispositif. »
Elle a bénéficié de la qualité de la collaboration nouée avec l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse pour son financement ; avec le syndicat du fleuve Vidourle pour son élaboration ; avec l’Office national des eaux et des milieux aquatiques (ONEMA) pour valider le dimensionnement hydrologique (taille et nombre des menhirs) ; enfin avec l’association Migrateurs Rhône Méditerranée qui a mené des études et assure le suivi de la faune piscicole.
Depuis deux ans, les signaux se sont multipliés et en juin 2016, une quinzaine de “bulls”* d’alose ont été détectés en amont de l’ouvrage. La preuve de son efficacité est donc pleinement établie. « Les aloses ont gagné plus de 20 km pour aller frayer », explique Sylvain Philippe, très satisfait du travail accompli.
* Les aloses effectuent des mouvements circulaires à la surface de l’eau, appelés “bulls”», au cours desquels les ovules sont expulsés et fécondés. En moyenne, lors d’un bull, sont pondus 100 000 à 250 000 œufs par kilo pour une alose.