Vous venez de livrer un bâtiment qui enrichit le campus lyonnais de l’Inseec. Pouvez-vous revenir sur l’histoire de ce lieu et le contexte de sa réhabilitation ?
Historiquement, sur les lieux du projet, rue Bonnefoi dans le 3e arrondissement de Lyon, se tenait une brasserie, qui a fait place à un parking en béton sur six niveaux dans les années 1950. Délaissé pour des raisons économiques, le bâtiment a été repris par le promoteur-aménageur 6e Sens Immobilier pour en faire, au départ, un immeuble de bureaux. Le projet Citadelle s’est finalement transformé en campus pour l’école Inseec, du groupe Omnes Education, destiné à accueillir deux amphithéâtres, des salles de cours, des bureaux, des terrasses, ainsi que des places de stationnement sur près de 6 000 m².
Les façades et la toiture de l’immeuble devaient être conservées en raison de leur inscription au patrimoine de la ville. Cela a été le point de départ de notre réflexion, et nous avons pris le parti de transformer cette « contrainte » en «force » pour le projet. Il nous a fallu composer avec la structure existante et l’adapter à ce changement d’usage. Et passer d’un parking à un établissement d’enseignement ERP de 2e catégorie, labellisé HQE, a généré quelques complexités…
« La Ré-Architecture est une approche globale qui ré-invente le bâtiment, redéfinit ses fonctions et son usage pour ré-générer le bâti. Cette approche globale va au-delà d’une remise aux normes techniques ou d’une remise en état. L’enjeu est de rendre l’ouvrage pérenne pour les générations d’aujourd’hui et de demain. »
Jean-Philippe Charon, architecte, directeur général d’Archigroup
Comment avez-vous abordé ce changement de destination ? Avec quelles contraintes ?
L’accès au sous-sol, par l’arrière du bâtiment, pour les parkings a été créé, et le double volume du rez-de-chaussée nous a permis de réaliser deux amphithéâtres de 180 et 166 places. Cet aménagement a toutefois nécessité de supprimer des poteaux centraux et d’installer de nouvelles structures plus résistantes : à savoir une structure mixte métal et béton (PRS* en sous-face de plancher) pour reprendre la charge des poteaux des étages et des contre-poteaux en béton sur les côtés des amphis.
En lieu et place des anciennes rampes d’accès pour les voitures, nous avons créé un patio central pour apporter de la lumière naturelle et introduire du végétal. Le reste des volumes a été conservé et renforcé pour les espaces de travail des élèves et des enseignants.
Compte tenu de la faible hauteur sous plafond, nous avons installé un système de ventilation et de climatisation vertical desservant les six étages avec les équipements techniques en entresol, entre le rez-de-chaussée et le premier étage. Enfin pour la façade, dont on devait respecter la trame d’origine, les 78 modules de 12 rectangles vitrés à carreaux fixes ont été remplacés en partie par un ensemble vitré de type mur-rideau, avec quelques châssis ouvrants nécessaires à la ventilation naturelle et à l’accès pompiers.
Le béton était déjà là, en structure. En quoi était-ce un atout ? Et en avez-vous ajouté ?
La structure béton datant des années 1950 a été conservée, mais presque partout consolidée à l’aide de plats carbone**, car les charges à supporter pour un ERP de ce type sont 40 % plus importantes que pour un parking.
C’est surtout pour les amphithéâtres que les travaux ont été les plus conséquents, avec les huit contre-poteaux ajoutés, et seul le béton permettait cette reprise. Nous avons également ajouté des planchers béton autour du patio et des trémies pour les escaliers, eux aussi réalisés en béton – qui est partout resté brut et apparent, dans l’esprit du parking d’origine.
Le béton est un matériau d’une performance redoutable, à utiliser à bon escient et à sauvegarder pour limiter l’empreinte carbone des réhabilitations. Grâce à sa réutilisation, mais aussi aux autres solutions mises en place, le projet Citadelle a obtenu la certification HQE Excellent à sa livraison.
Sur ce projet, vous indiquez avoir mis en œuvre une démarche de « ré-architecture ». De quoi s’agit-il ?
La ré-architecture est une approche globale de conception qui va au-delà de la simple réhabilitation, de la restructuration ou de la rénovation. Cela consiste à respecter l’histoire, le patrimoine et la structure d’un bâtiment existant, en repensant complètement son usage avec les performances thermiques et environnementales d’aujourd’hui. Ce qui était hier un parking, une usine ou un immeuble de bureaux peut, demain, devenir une école, des logements ou un hôtel. Ce travail de ré-architecture est source de créativité et d’imagination, puisqu’il faut s’adapter à l’existant en trouvant des solutions performantes et réversibles. C’est aussi une démarche durable car, avant de démolir pour reconstruire, nous réfléchissons d’abord aux moyens de reconvertir.
*PRS : poutres reconstituées soudées, en acier.
** Les plats carbone sont des bandes composées de plusieurs fibres de carbone ; collées à la surface d’une structure existante, elles en augmentent la résistance à la flexion, à la traction ou au cisaillement. Cela permet de pérenniser un ouvrage ou d’augmenter sa capacité portante.