Comment avez-vous découvert la sculpture ?
Depuis toute petite j’ai le goût de la matière et des volumes. Visages, formes, je scanne tout ce qui m’entoure. Mais j’ai pris un tout autre départ, dans le Droit, et je suis devenue avocate pendant quinze ans.
En modelant du sable sur une plage – un premier lien avec le béton – j’ai découvert mon don pour la sculpture. Les gens s’arrêtaient pour me poser des questions, me féliciter et me demander si j’étais artiste.
De retour à Paris, je me suis inscrite aux Beaux-Arts et mon professeur m’a demandé depuis quand je sculptais en voyant l’étude de tête sur laquelle je travaillais. En 2003, j’ai fini par lâcher le droit et le barreau pour me consacrer à fond à ma passion dans un tout nouvel univers.
Quels sont vos matériaux de prédilections ?
J’ai la curiosité de tous les matériaux ! J’aime le rapport avec la matière qui “appelle” pendant que mes mains cherchent les bons gestes. Je crée des sculptures en grillage extrêmement légères mais je travaille également la terre, le plâtre, le bronze… bientôt le textile et le plastique.
Dans le cadre de la refonte de l’église et du mobilier liturgique de l’église Notre Dame de l’Assomption à Paris, je viens d’utiliser le béton pour réaliser le nouvel autel et l’ambon. Le projet comprenait douze grands panneaux représentant les apôtres.
Vous avez trouvé tout de suite la technique que vous utiliseriez ?
J’ai d’abord commencé à travailler la terre pour réaliser des moules dans lesquels le béton serait coulé.
Dans un second temps j’ai réalisé des estampes de visages dans le béton frais. Deux grandes figures sont ainsi nées. Une fois sèches, je les ai reprises à la meuleuse pour effacer les aspérités et les rendre plus évanescentes.
Finalement, j’ai changé de méthode en modelant directement le béton frais. Une technique qui m’a permis de découvrir un béton très voluptueux.
J’ai travaillé les panneaux en direct. Coulés dans des moules de 1,20 mètre de hauteur, je disposais d’une heure pour modeler leur surface. J’ai retrouvé les gestes et la liberté du sable sculpté sur la plage. Ces apôtres de béton, dans leur minéralité, ont semble-t-il touché les paroissiens.
Quelles sont vos sources d’inspiration ?
La fragilité de l’homme et de son univers est ma première source d’inspiration. Une fragilité sous toutes ses formes. J’aime le grillage, dessiner la grâce dans l’espace. Les sujets surgissent dans le mouvement. C’est le paradoxe du béton.
Comment un matériau très établi, rassurant, tout à la fois fort et indestructible, permet-il d’exprimer la fragilité et la grâce ? Une œuvre apparaît, vivante, habitée, qui vous regarde. Je n’intellectualise pas trop les choses qui sortent souvent spontanément de mes mains et, même si aujourd’hui, pour les commandes, je dois anticiper pour échanger avec le client, je laisse une part pour la spontanéité de dernière minute.
Quels sont vos projets en cours ?
Je travaille sur une commande de danseuses de grillage pour la Chine. Au sommet de la Shangaï Tower, le Shangaï J-Hotel, l’hôtel de luxe le plus haut du monde, m’a commandé sept grandes silhouettes. Je mets aussi la dernière touche à une sculpture monumentale en bronze. J’ai beaucoup aimé le rapport au béton et j’espère réaliser d’autres travaux avec ce matériau séduisant, pour habiller des façades, dans le cadre du 1 % par exemple.
Vous regrettez parfois d’avoir quitté le droit ?
Aucun regret même si j’aimais le Droit. En revanche les confrères et la vie du cabinet me manquent un peu. On devient un peu ours en travaillant seule dans son atelier.