Joanny Provent, pourquoi ce virage du béton bas carbone ?
À notre échelle de créateur de mobilier, en utilisant du béton, nous ne produisons aucun déchet ; mais Lyon béton se pose nécessairement la question plus globale de son empreinte carbone.
Voilà longtemps qu’il n’y a plus de polystyrène dans nos cartons et que nos emballages utilisent des techniques de pliage qui protègent les articles des chocs.
Alors quand on peut bénéficier d’avancées supplémentaires, comme le béton bas carbone, on ne s’en prive pas ! En outre, c’est un moyen d’étendre au grand public un matériau déjà utilisé en architecture.
Avec le béton bas carbone, est-ce que les process changent ?
Le béton bas carbone est un peu plus lent à sécher, un peu plus capricieux… il faut l’apprivoiser et faire quelques réglages en termes de formulation, mais c’est une contrainte intéressante, qui nous permet de faire évoluer notre recherche créative.
Pour les fabricants, cela n’a posé aucun problème. La prochaine étape sera sans doute d’aller vers les bétons carbonégatifs, mais il faut laisser la R&D avancer.
Est-ce qu’il a été nécessaire de modifier les formes de votre mobilier ?
Il n’y a pas eu de conséquence formelle, mais les produits sont plus résistants. Cela va dans la bonne direction. Nous avons gagné en durabilité, au sens de « transmettre », notion qui nous est chère.
Le béton bas carbone s’applique donc à vos créations phares ?
Oui, notamment à notre module de rangement DICE, qui est une vraie proposition par rapport à ce que font les grandes marques.
Dans sa gamme, nous avons créé un troisième module qui permet de composer et créer du rythme dans le système de rangement. DICE peut aussi devenir une jardinière pour les plantes d’intérieur.
Afin de répondre à la tendance actuelle, issue des millenials, qui prône un grand retour au végétal, cette jardinière permet de faire pousser une espèce de jungle urbaine. Il y a deux ans, en Suisse, nous avons eu la chance d’aménager et de cloisonner avec DICE un grand espace de travail. Et de ramener le végétal, la terre, au bureau.
DICE présente aussi un aspect « bac à vinyles » qui nous plaît beaucoup. Dans notre équipe, nous comptons quelques musiciens et beaucoup de mélomanes… tout comme parmi notre clientèle : une grande partie de nos clients achète les cubes pour cet usage en plaçant la platine au-dessus.
De nouvelles collaborations en vue ?
Quelques-unes sont en cours. Maintenant que la marque a développé sa notoriété, et que nous avons conforté nos savoir-faire, la prochaine étape sera de renforcer les collaborations avec des designers de renom pour réaliser des choses incroyables !
À force de nous intéresser aux moules, de discuter avec les prototypeurs, nous avons aussi trouvé les bons partenaires techniques, notamment un mouliste indépendant auquel je confie mes dessins. En tant que marque, cela nous laisse la propriété de nos moules et la liberté de choisir nos sites de production.
Quels sont vos nouveaux projets ?
Nous allons travailler le luminaire et l’assise. Comme nous approchons de grands designers, j’aimerais proposer une ou deux lampes signées.
Notre marque a presque dix ans, et nous devons l’asseoir avec un catalogue plus mature, plus réfléchi. Il n’est pas nécessaire d’avoir dix références de tables basses ; trois bien senties sont suffisantes en utilisant des matières renouvelées ou le recyclage.
On peut mettre tout un tas de choses dans les bétons, et ainsi obtenir des aspects incroyables, juste par le choix des composants. Comme pour la céramique.
Nous aimerions que ces créations assument toujours plus le côté brutaliste du béton, et que le bois ou le métal associés soient très propres, très lisses, pour venir en contraste avec le béton brut.
Dans un intérieur haussmannien, le béton très matiéré révèle toute sa puissance sur un parquet pointe de Hongrie. Justement parce qu’il est brut et que le reste est soigné.
Pour cela, on travaille par exemple le relief : des cannelures pour le modèle STRUT ou un bas-relief pour la table basse CURB. Pour chaque design, on avance de manière mesurée.
Un mot de conclusion ?
Nous sommes enchantés d’avoir pris ce virage du béton bas carbone. En pleine recherche et développement, le béton fait « le pas de côté » qui fait la différence.
Quant à notre marque, c’est un outsider qui s’approche de la cour des grands… Le succès passera par la matière, c’est sûr. Quasiment vierge, elle n’est pas lisse, elle est bullée, marbrée… elle est tout sauf figée, et le moulage permet de laisser libre cours à toutes nos envies. C’est hyper enthousiasmant !