Matériaux biosourcés, quelles sont les principales caractéristiques ?
Bois, lin, paille, chanvre, liège, miscanthus, laine de mouton … La palette des matériaux de construction biosourcés s’étoffe de plus en plus ! Un matériau biosourcé provient en partie ou en totalité de la biomasse, c’est-à-dire d’une ressource d’origine végétale, animale, ou issue du recyclage (ouate de cellulose). L’utilisation de ces matériaux renouvelables permet de réduire les émissions liées à l’extraction et à la production d’autres ressources, et de diminuer l’empreinte carbone de la construction. Quand ils sont issus de la biomasse végétale, ces matériaux ont aussi la capacité de stocker du carbone pendant la durée de vie du bâtiment – le carbone qu’ils ont capté lors de la photosynthèse.
L’analyse du cycle de vie (ACV) est une méthode d’évaluation normalisée permettant de réaliser un bilan environnemental multicritère et multi-étape d’un bâtiment sur l’ensemble de son cycle de vie. Les bétons biosourcés sont caractérisés par un bilan carbone favorable et permettent d’accéder au label « Bâtiment biosourcé ». Aujourd’hui, on assiste à un véritable essor de la construction durable, en neuf ou en rénovation, et, parmi les solutions proposées, ces bétons ont une carte à jouer !
Le volume de matériaux biosourcés mis en œuvre sur notre territoire a progressé de +95% entre 2016 et 2023 ; quant aux bétons biosourcés, ils ont crû de +168% entre 2018 et 2023 (source : AICB).
Béton biosourcé : de quoi parle-t-on ?
Définition et principes
Le béton biosourcé est composé de fibres végétales qui se substituent en partie aux granulats traditionnels. Il est réalisé avec un liant – du ciment ou de la chaux. Les principales matières premières utilisées sont les fibres de bois, la chènevotte de chanvre, le miscanthus (plante vivace robuste), le lin, le liège… Des expérimentations sont également réalisées avec des balles de riz, du colza, du tournesol ou du bambou.
• Quelles sont les différences avec un béton classique ?
L’intégration de fibres végétales rend les bétons biosourcés plus légers et augmente leurs propriétés isolantes, sur le plan thermique et acoustique, ainsi que, pour certains, leur capacité à réguler l’humidité, et donc à améliorer le confort de l’habitat. On dit qu’ils sont « perspirants ». À l’heure actuelle, les applications sont généralement non structurelles (remplissage de structures en ossature bois, coffrage perdu, chapes légères…), mais on voit apparaître des blocs porteurs depuis quelques années. Le béton biosourcé devient dans ce cas à la fois structurel et isolant.
Quelles matières premières pour un béton biosourcé ?
Dans certains cas, l’utilisation de fibres végétales s’intègre dans un processus vertueux d’économie circulaire : fibres de bois issues de copeaux de scierie, tiges de lin broyées, ouate de cellulose tirée de papiers recyclés… Chaque fibre apporte des qualités différentes au béton.
• Quels sont les composants et leurs influences sur les performances ?
Parmi les bétons biosourcés, le béton de chanvre est le plus ancien et considéré comme le plus mature. Combinant l’inertie thermique du béton au pouvoir isolant de la paille de chanvre, il est utilisé pour isoler certains types de sols, des planchers bois, des combles perdus, et aussi en doublage… Un label « Granulat Chanvre Construction » a été déposé par les acteurs de la filière.
Le béton de fibres de bois est généralement produit à partir de bois de « trituration », c’est-à-dire qui n’aurait pas été utilisé autrement, et permet de réaliser des chapes ou des murs légers, avec des qualités thermiques et acoustiques. Le béton de bois sert souvent à fabriquer les écrans anti-bruit le long des routes. Dans le même ordre d’idée, les granulats de liège vont apporter de la légèreté et des qualités acoustiques.
Le béton de miscanthus est utilisé pour ses propriétés isolantes, pour des chapes légères, des enduits… Le béton de lin sert à fabriquer des bétons performants sur le plan acoustique et thermique, mais aussi pour amener de la résistance (voir plus loin). Notons que le miscanthus pousse sur des terres peu fertiles et que le lin utilise très peu d’eau (et la France en produit beaucoup), ce qui offre des atouts supplémentaires sur le plan environnemental.
Il existe aussi des expérimentations à base de fibres de bambou pour des bétons structurels.
Des performances qui bousculent les idées reçues
Entre résistance et légèreté : comment allier performance et biosourcé ?
• Les avantages des bétons biosourcés
Le principal atout des matériaux biosourcés intégrés au béton est leur légèreté : au-delà de la réduction de poids, elle confère aux produits d’excellentes propriétés d’isolation thermique et acoustique. Leur aptitude à réguler l’humidité apporte aussi un avantage en termes de confort de l’habitat, en particulier si le béton agrosourcé n’est pas revêtu d’un enduit.
Cependant, les performances mécaniques des produits sont généralement faibles : par nature, les particules végétales sont peu résistantes, et certaines substances qu’elles contiennent (sucres) ralentissent, voire inhibent, la prise du liant hydraulique. Ces réactions sont particulièrement prononcées si les granulats végétaux ne sont pas traités. Les liants à base de chaux sont privilégiés, l’utilisation de granulats végétaux avec un liant cimentaire nécessitant l’ajout d’activateurs ou d’accélérateurs.
Si la plupart des bétons biosourcés ne sont pas structurels, la recherche continue de progresser. Le programme Btonlin a par exemple piloté des expérimentations utilisant le lin en renfort dans la composition de bétons biosourcés structurels. Certains blocs de béton de bois permettent de réaliser des murs porteurs en R+1, et jusqu’à du R+3 en combinaison avec un chaînage en béton armé. Le béton de bois offre aussi une très bonne résistance au feu car ses granulats sont enrobés dans une matrice cimentaire.
• Adaptation aux exigences des chantiers
Comme les bétons biosourcés sont des matériaux relativement récents, leurs référentiels évoluent aussi avec les usages. Seul le béton de chanvre dispose de règles professionnelles, depuis 2007. Les autres bétons biosourcés relèvent du cadre des Appréciations techniques d’expérimentation (ATEx) et des Avis techniques (ATec). Par exemple, outre le label « Produit Biosourcé », les éléments préfabriqués en béton de bois disposent actuellement de deux ATEx pour murs porteurs (max R+3) et façades non porteuses (max R+10).
Béton biosourcé et régulation thermique
• Atouts en termes d’isolation et de confort thermique
Grâce à leurs fibres végétales, les bétons biosourcés présentent des vertus d’isolation particulièrement intéressantes. Au-delà de la seule conduction des matériaux, ce sont leur porosité et leur capacité à absorber l’humidité qui expliquent ces performances thermiques – c’est-à-dire leur comportement hygrothermique. Lorsque l’hygrométrie est importante, les bétons végétaux absorbent la vapeur d’eau (condensation) ; lorsque l’air est sec, ils la restituent (vaporisation). Les changements d’état de l’eau au cœur même de ces bétons influencent les échanges convectifs et amortissent les variations de température extérieure, permettant ainsi de réduire les besoins de chauffage et de climatisation. En outre, cette propriété d’isolant intégré réduit la mise en œuvre sur le chantier avec des avantages économiques. Certains bétons, comme les murs à béton de chanvre emboîtés, possèdent une résistance thermique élevée (4,40 m2.K/W pour 30 cm d’épaisseur).
Impact environnemental : vers une construction plus vertueuse ?
• Réduction de l’empreinte carbone
Les végétaux et le bois ont la capacité de fixer le carbone lors de leur croissance grâce à la photosynthèse. Stocker ce carbone biogénique permet de séquestrer de façon pérenne du carbone – les réémissions de CO2 dues à la décomposition du végétal étant retardées par rapport au cycle agricole naturel plus court. Certains matériaux biosourcés comme le chanvre captent même plus de CO2 pendant leur croissance que leur transformation n’en produit ! Un point important, quand on sait que la fabrication des matériaux – et le transport – représentent une part importante du poids carbone de la construction. Il faut ainsi veiller à ce que les matières premières soient produites à proximité et dans de bonnes conditions – on pense au bois notamment.
• Un cycle de vie plus performant, et un cadre normatif
La France compte parmi les pays pionniers et experts dans le développement des bétons biosourcés. La recherche se poursuit à toutes les étapes : composition, mélange, liants, industrialisation des produits, impact environnemental jusqu’à la démolition… L’Analyse du Cycle de Vie est en effet un indicateur central dans la RE 2020, et plus largement dans la Stratégie Nationale Bas Carbone de la France.
Il reste cependant à donner un cadre général à l’utilisation de ces matériaux, avec l’élaboration d’une norme. En 2024, le programme NG2B (Normalisation des Granulats pour Bétons Biosourcés) a présenté une prénorme sur les granulats végétaux dans les mortiers et bétons biosourcés. Cette carte d’identité de leurs caractéristiques et performances vise à démocratiser l’ensemble des connaissances et à figurer la base de la future norme, à destination des industriels mais aussi des maîtres d’œuvre et des bureaux d’études, de façon à rassurer l’ensemble des acteurs de la construction sur ces innovations.