Un parcours introspectif
Depuis le début des années 2000, Kader Attia est une figure incontournable de la scène artistique française et internationale. Enfant des cités de France et d’Algérie, il sollicite régulièrement le matériau béton, depuis qu’il a créé Sans Titre, 2008 : des tourbillons et des alignements de blocs bétons en équilibre.
Pour rendre hommage à sa réflexion autour de l’immigration et de la banlieue, le MAC VAL exposait l’artiste jusqu’au 16 septembre. « L’exposition du MAC VAL est construite comme un parcours initiatique », explique Julien Blanpied, commissaire adjoint. Son titre, Les racines poussent aussi dans le béton, vient du paradoxe des habitants des grands ensembles, déracinés, et de leur empathie pour des lieux de vie parfois hostiles.
Dans le très grand open space du MAC VAL, Kader Attia a découpé un circuit qui alterne d’étroits couloirs avec de grands volumes. Une vingtaine d’œuvres sont présentées.
« Plus qu’une rétrospective, il s’agit d’une exposition introspective », précise Julien Blanpied.
Tour à tour politique, nostalgique ou tendre, Kader Attia évoque les cités, les banquets de famille, les rêves d’une vie meilleure en Europe et les souffrances de l’exil.
Travailler à la réparation
Déchirures et cicatrisations sont au cœur du propos. « Pour Kader, il faut assumer la réparation, mettre des images et des mots sur les drames du passé. En Asie, une céramique brisée est réparée avec la technique du kintsugi, de la laque saupoudrée d’or ; la blessure est valorisée. L’Occident préfère masquer ses plaies », explique Julien Blanpied.
Les fissures suturées d’une dalle de béton invitent ainsi le visiteur à déchiffrer sur le sol d’étranges frontières (Traditional Repair, Immaterial Injury, 2014).
Plus loin, la série de photos des Rochers carrés (2008), des “promontoires” de béton sur une plage d’Alger, évoque la Méditerranée et le rêve d’Europe. Une œuvre qui n’est pas exposée au MAC VAL lui fait écho : Les Terrasses de Marseille, une promenade de béton blanc, installée face à la mer, à Marseille en 2013.
« Kader considère la dette culturelle de l’Occident envers l’Afrique très importante. Pour lui, la place de l’architecture et la réappropriation des signes culturels sont essentielles à toute cicatrisation de l’Histoire », reprend Julien Blanpied.
À l’époque coloniale, Le Corbusier et Fernand Pouillon se sont inspirés des constructions des villes du désert, Ghardaïa en particulier, pour les travaux des grandes cités dortoirs françaises.
La bétonnière aux clous de girofle
Bois, métal, carton, photographies – graine de couscous même ! –, Kader Attia utilise tous les supports pour évoquer la vie des familles de migrants algériens.
En fin de parcours, dans la dernière grande salle lumineuse, le visiteur est accueilli par une bétonnière qui brasse des clous de girofle (Parfum d’exil, 2018).
Mémoire olfactive, souvenir de jeunesse, évocation de l’intimité, du père maçon qui travaillait sur les chantiers à la reconstruction de la France, et du parfum de la mère : « C’est la réponse positive de Kader Attia au bruit et à l’odeur… », conclut Julien Blanpied.
Conçue comme une conversation intime avec le public, cette belle exposition du MAC VAL offrait un moment de réflexion pour sonder l’histoire, les peines, la colère et les joies des hommes qui peuplent les cités.