Après avoir étudié le graphisme et la direction artistique, Mattia Listowski a commencé à explorer la photographie conceptuelle et la vidéo.
« C’était un travail sur l’espace, la lumière. C’est comme ça que j’ai commencé à faire des installations. »
Mattia découpait à la main et composait de petites pièces en papier, en volume, qui reprenaient les codes de représentation de l’architecture avec les courbes de niveaux.
« L’idée était de recomposer un espace en additionnant des unités, une réflexion sur le geste, sur la répétition, la méditation. Répéter un geste créatif, cela devient une expérience. »
Un nouveau medium, le béton
Après cette première période, le sculpteur recherche un nouveau langage créatif, et découvre le béton.
« Je suis revenu à la création avec l’idée de me constituer une sorte de petit jardin secret, il fallait que je me réapproprie un medium. Le béton est venu de manière un peu empirique, je n’avais pas de connaissances sur le moulage ou même la sculpture sèche. »
Dès lors, Mattia fait son apprentissage avec des matériaux de construction.
« J’utilisais des sacs de béton prêt à l’emploi, très brut, pour la construction. Pour le moulage, je n’avais pas de cuve rigide, pas de polystyrène… j’ai donc commis beaucoup d’erreurs. » Depuis ces premiers pas, son processus créatif est resté le même.
« Je n’ai pas d’idée a priori. Je conçois une forme, puis j’essaie de comprendre la raison de son émergence. En l’occurrence, à cette époque, c’était le contraste de proportions entre la taille réduite de mes œuvres et ce matériau destiné à l’échelle beaucoup plus grande de la construction. »
Des allégories pour une histoire fragmentée
Des séries de dessins de petits objets, des détails d’architecture, de façades ou de voûtes, des photographies en noir et blanc ramenées d’un voyage à Rome ou du Mur de l’Atlantique inspirent ses premières sculptures. Ils sont le langage formel d’une palette recombinée à l’infini.
« À travers ce “bloc-notes visuel”, je cherche dans les formes des symboles, des unités qui racontent une histoire, la grande histoire, celle qui est liée aux ruines romaines ou aux ruines des guerres récentes. Elle fait sens avec ma propre histoire, qui est fragmentée. Mes grands-parents polonais ont vécu dans le ghetto de Varsovie, tandis que ma famille maternelle, traditionnelle et catholique, est originaire du Nord de l’Italie. »
L’intime et le patrimoine commun deviennent le champ d’une mémoire familiale qui ne lui a pas été transmise.
« J’explore les archétypes. Ces architectures imaginaires de béton deviennent des allégories : temples ou basiliques sont la scène d’un théâtre où se noue l’intrigue, mes sculptures sont des lieux d’introspection. »
Pour le sculpteur, l’architecture peut représenter le rapport de l’humain avec quelque chose de supérieur.
« Pyramides et mastabas égyptiens, temples incas ou aztèques ont une même façon de laisser entrer la lumière vers la divinité. »
L’antiquité, la philosophie, l’humanisme sont ainsi recombinés en béton.
Chercher la forme dans le moule
Ce travail est un jeu sérieux, entre histoire et rêverie future, une rencontre physique dans le présent.
« J’ai plaisir à retrouver les panneaux de coffrage, les colles, les outils de coupe. Quand je dois couler, je tamise mon béton. À chaque fois, je mets de la poussière absolument partout dans l’atelier, c’est tout un bazar ! La structure extérieure est en bois ; ce moule rigide, je dois le détruire à la masse pour arriver au béton, à la sculpture. C’est physique et jubilatoire. Je vais chercher la forme dans le moule. »
Les sculptures pèsent au minimum 100 kilos, une grue est nécessaire pour les mettre en scène en studio, les recontextualiser, travailler les lumières et les photographier à la chambre argentique moyen format.
R&D autour du matériau béton
Parallèlement à ces travaux, le sculpteur travaille avec des ingénieurs qui étudient la projection de matériaux en fusion – verre, métal ou céramique – pour isoler, protéger ou galvaniser des surfaces.
« S’intéressant au béton, ils ont expérimenté leur procédé sur ma sculpture du Panthéon, qui a ainsi été recouverte d’une peau en alliage métallique. L’effet miroir est hallucinant, la sculpture reflète son environnement. Elle devient invisible quand on ne voit plus l’intérieur, ce qui rejoint mes recherches sur l’intériorité. Nous travaillons pour présenter ce projet en 2024. »
Mattia Listowski ne pense pas en avoir fini avec le béton : « C’est un matériau fantastique, une étape qui va perdurer comme je continue à travailler le papier et la photographie. »