À la base, Julien Beaucourt est tourneur-fraiseur. Il a poursuivi son cursus dans une école d’art.
« Après l’école, je voulais lancer ma carrière de d’artiste. Un assistant de galerie a remarqué la qualité d’exécution de mon travail et m’a demandé mon CV. Quelques mois plus tard le chef d’atelier d’Anselm Kiefer m’appelait… »
Pour le jeune homme, c’est « l’expérience d’une vie », celle qui met le pied à l’étrier et propulse dans la cour des grands. Dans les 35 000 m2 de son atelier, Kiefer traite la matière comme quelque chose de vivant avec un engagement exceptionnel dans sa création. Julien découvre le béton et le plâtre.
« Au début j’ai réalisé des petites tâches ingrates, puis, on m’a confié des socles, des cubes et des fausses pierres à réaliser en béton et plâtre. Je fabriquais les objets que Kiefer utilisait dans ses tableaux. »
Première étape : assistant d’artiste
Pendant six ans, Julien Beaucourt accompagne des artistes dans la fabrication de leurs œuvres. Il soude, peint, fabrique et coule des objets dans des moules. Admiratif des gens avec qui il travaille, il aime la rencontre entre la vision des artistes et les solutions techniques qu’il apporte.
« J’ai beaucoup aimé travailler avec la sculptrice franco-italienne Tatiana Trouvé. Même si je soudais surtout des pièces en bronzes et cuivres, il m’arrivait de mouler et couler des objets en béton. Pour Tatiana Trouvé, le temps est un sujet qu’elle aborde via ses installations. Elles représentent des scènes, des instants arrêtés…une utopie. Cette notion du temps figé est très liée à la sculpture. »
Sculpter le béton projeté
Après ces années dans l’art contemporain, le jeune homme craint de perdre son identité. Il part sculpter les façades de béton du Puy-du-Fou et découvre le béton projeté, une approche totalement différente de la sculpture coffrée et éditée. « Pour moi qui suis un idéaliste de l’art à l’ancienne, j’ai trouvé avec le béton une nouvelle forme de modelage comme la terre, mais une terre qui durcirait en permettant une mise en forme. Une sculpture véritable ! »
Il va mettre en œuvre cette technique avec les ateliers artistiques du béton, pour les Ateliers Jean Nouvel ou Rudy Ricciotti.
« Sur le chantier de la gare de Nantes, Ricciotti voulait des arbres sculptés dans un béton immaculé : 17 arbres à l’aspect sculptural. Le moindre détail était mis en valeur. Cette installation formait un mélange entre la nature et l’architecture. »
Pour Julien, reproduire la nature et rendre la vie avec une matière morte, c’est souvent mission impossible. Le chantier du Vallon obscur à Nice va lui permettre de s’y confronter. Les Ateliers Jean Nouvel ont imaginé une brèche dans un parking souterrain pour en faire un mur végétalisé. La partie bétonnée reproduit une formation géologique de la région : le poudingue.
« Il s’agit d’un mélange de boue séchée et de petits cailloux. Des trous remplis de terre contiennent des fougères et d’autres plantes endémiques. »
La beauté du geste
Julien est un puriste. Il veut des rochers en béton « naturels », ni trop artificiels, ni en forme de patates. Son geste s’affirme, il se sent de plus en plus libre de créer. Pour lui, il y a encore beaucoup de chose à découvrir avec le béton.
« Les possibilités sont énormes. En séchant, le béton frais devient dur et très minéral. Plus je le travaille et plus je réalise que moins on en fait et plus beau est le résultat. Le fameux less is more des anglais. C’est une quête vers l’épure du geste et du mouvement, une forme d’esprit un peu japonisante. »
Des projets en béton…
Pour Julien, la tendance des façades matricées et des effets rocheux devrait s’essouffler au fil des années.
« La plupart des architectes raisonnent de la même manière et c’est un peu un effet de mode. Je pense que l’avenir est aux formes plus graphiques et plus design. »
Le jeune homme a beaucoup de projets et un problème technique : il ne peut ni augmenter le temps, ni se diviser. Dans un atelier flambant neuf, il veut peindre, sculpter et développer un concept d’installations architecturales en béton. « L’idée, c’est de revisiter les façades classiques du type haussmannien. » En attendant, Julien Beaucourt est plutôt serein et son carnet de commande est bien rempli.