Artiste complet, Fabrice Le Nezét explore de nombreuses pistes. Réalisateur, il a débuté dans la publicité mais il est aussi plasticien et artiste visuel. Une partie de lui aurait voulu être architecte et le béton est pour lui le matériau propre à l’architecture. Artiste très contemporain, ses films d’animation et ses œuvres, sculptées ou virtuelles, sont inspirées par le brutalisme.
Quelle est votre grammaire de formes ?
Fabrice Le Nezét : J’ai un attrait pour la forme industrielle en général et tout ce qui a un rapport avec l’univers du jouet. Les structures de jeux très colorées des jardins publics, m’inspirent beaucoup. Elles ont un côté articulé et ludique mais ont aussi un côté fragile et un peu dangereux. Je travaille sur la tension, le poids, la recherche du point de rupture qui crée un certain sentiment d’inconfort chez le spectateur. J’aime donner une idée de mouvement à des structures statiques
Comment avez-vous découvert le béton ?»
Fabrice Le Nezét : Après avoir expérimenté un certain nombre de matériaux, le béton a été un coup de foudre ! Je suis arrivé à lui par le métal. Dans mon langage de formes fait de lignes et de corps, les masses sont reliées entre-elles par des liens métalliques.
Le métal demande un travail d’orfèvre alors que le béton a quelque chose d’industriel et d’organique. Il est façonné par l’homme mais garde sa propre structure, quelque chose de sauvage.
Measure, est à ce jour un des projets dont je suis le plus fier. Il marque la transition de mon travail de réalisateur vers celui de sculpteur. Tous les thèmes, tout ce qui m’intéresse aujourd’hui est une déclinaison de ce projet.
Le béton a été coulé dans des coffres en bois et les volumes étaient en partie vides. Les œuvres ont été exposées dans un espace privé.
Votre méthode de travail ?
Fabrice Le Nezét : Mon travail est très réfléchi et demande une longue maturation. Les projets s’étalent dans la durée car je mets du temps pour accepter une idée. Elle doit décanter, s’ancrer dans un visuel.
Je travaille exclusivement par collections, jamais de sculpture unique. J’ai besoin d’un minimum de formes qui évoluent dans une famille et définissent des codes. Je travaille sur deux ou trois sculptures en même temps pour voir comment le projet se structure. Chaque œuvre doit fonctionner seule mais aussi en parallèle avec les autres.
C’est le principe de la série Fashion for Concrete ?
Fabrice Le Nezét : Fashion for Concrete, est un projet sculptural éphémère. Depuis quelques années je m’intéressais au milieu de la mode. Je voulais donner une certaine légèreté et du sex appeal au béton. Mes sculptures sont devenues des porte-manteaux. Je les ai habillées. Elles ont été photographiées et diffusées dans des magazines de tendances de mode, des cahiers de style et des livres de graphisme.
Vous êtes aussi un sculpteur « virtuel » ?
Fabrice Le Nezét : Aujourd’hui, le nombre de gens qui voient une sculpture de près est très faible par rapport à la multitude qui la voit sur écran. Ce constat est à l’origine de la série Elasticité, j’ai voulu poser la question de la matérialité de l’œuvre. Ces énormes blocs de béton suspendus à des structures métalliques sont virtuels, mais le détail est poussé très loin. J’ai voulu créer quelque chose que les gens ne questionnent pas.
Aujourd’hui, quelle est votre vie à Londres ?
Fabrice Le Nezét : Depuis un an et demi, j’ai rejoint le studio « Optical arts » fondé par le photographe Dan Tobin Smith. Je suis directeur créatif dans cette toute petite structure. Je me concentre sur des films, des sculptures et du design. Il y a une dimension de mécénat dans ce studio. Dan Tobin Smith n’a pas envie de suivre les tendances. Il est ouvert aux expérimentations et nous n’avons pas d’objectifs de rentabilité pour l’instant. Notre seule contrainte est la qualité. J’aime travailler en collectif. Je collabore aussi avec un collectif d’expérimentation visuelle depuis quinze ans, bif. Ensemble nous avons réalisé le court métrage Animal. D’autres projets de films sont en cours.
Vos projets en cours ?
Fabrice Le Nezét : J’ai plusieurs projets de court et long-métrage, et une nouvelle série de sculptures en béton et métal. Je vais développer des petits formats. C’est une première parce que je travaille toujours en très grand, des pièces qui dépassent le spectateur. Sinon, j’ai remporté il y a quelques années le prix de la Royal Society of Sculptors. Il me donne accès, au Royaume-Uni, à un réseau de fondations, de galeries et des compétitions de sculptures publiques dans le milieu de l’art urbain.