Prendre de la hauteur
Implanté en bord de Seine, face au parc de l’île Saint-Germain, le quartier du Pont d’Issy, situé sur la commune d’Issy-les-Moulineaux (92), bénéficie d’une situation urbaine exceptionnelle, associant ville intense et espaces naturels.
Lorsqu’elle gagne en 2008 le concours organisé par Sefri-Cime pour son aménagement, Françoise Raynaud, fondatrice du cabinet d’architecture Loci Anima, doit trouver le meilleur compromis entre densification et qualité de vie. Le tout en veillant à préserver une mixité programmatique et sociale. Elle fait alors le choix de la hauteur.
Intimité et panorama
Sur cette parcelle urbaine, l’architecte a notamment conçu trois tours de logements de 17, 16 et 13 étages, accueillant en leur pieds des commerces et une crèche. Si deux d’entre elles sont réservées à l’accession à la propriété, la troisième l’est au logement social.
« Selon notre approche, tous les habitants, sans distinction sociale, devaient pouvoir profiter des agréments du site », justifie Françoise Raynaud.
Afin d’offrir une qualité d’usage optimale, l’architecte n’a négligé aucun détail dans sa conception.
« Malgré la faible distance séparant les tours, nous avons réussi, en travaillant sur la configuration du plan masse, à éviter toute confrontation frontale entre les logements », illustre l’architecte.
Outre cette intimité préservée, la totalité des logements dispose d’au moins une vue sur la Seine grâce à des doubles ou triples expositions ! On peut admirer le fleuve depuis les espaces extérieurs que Françoise Raynaud a disposés devant chaque appartement.
« En milieu urbain dense, les terrasses et balcons ne sont utilisés que s’ils offrent une vraie qualité d’usage. Je les ai donc conçus ici quasiment comme des pièces à vivre, végétalisables à l’envi ».
Pour satisfaire l’héliotropisme de l’espèce humaine, ils ont été configurés pour maximiser les apports solaires : les terrasses de la tour “ADN”, la plus haute des trois, ne se superposent pas, tournant autour du fût de la tour à la manière d’une hélice d’ADN, supprimant toute ombre portée d’un étage à l’autre.
« Tout a été pensé pour que les habitants aient la sensation de vivre dans une petite maison », poursuit l’architecte.
Du béton pour la structure…
On retrouve nécessairement ces éléments de conception, guidés par la notion de bien-être, dans la morphologie des tours. « Je n’ai pas de dogme concernant les matériaux, chaque opération appelant une réponse adaptée ». En l’occurrence, ici, c’est le béton qui a eu les faveurs de l’architecte. « La France a une forte culture du béton, et les entreprises de construction françaises possèdent un savoir-faire exceptionnel en la matière. »
Pour ses trois tours du Pont d’Issy, Françoise Raynaud a tiré parti des avantages esthétiques et techniques du matériau. « Les émergences des ‘jardins suspendus’ de la tour ADN constituent de lourds porte-à-faux que seule une structure en béton pouvait supporter », précise-t-elle, tout en rappelant que les réglementations dédiées aux IGH* impliquent de recourir au béton, en particulier pour des impératifs de sécurité incendie.
… et les parements
En façade, l’architecte souhaitait que chacune des tours puisse exprimer un rapport avec le fleuve, qu’elles surplombent. Le parement de la tour ADN semble avoir récupéré « tout ce que le fleuve avait à donner ! », et dessine une sédimentation verticale mêlant teintes et matériaux.
Les deux tours HD1 et HD2 affichent quant à elles un béton blanc brut en façade, comme“érodé par les eaux et le par le vent”.
Outre les trois tours et un campus de bureaux (Aquarel), livrés en 2018, Loci Anima clôturera son intervention dans la ZAC du Pont d’Issy avec la construction de la tour Keiko, une tour de bureaux qui constituera la proue sud du quartier. Un vaste projet donc, pour lequel l’agence a déjà reçu la Pyramide d’Or de la mixité urbaine, en 2016.
*Immeuble de grande hauteur