Le destin exceptionnel de l’immeuble « Le Peuple Belge » s’est certainement noué en 2016 au cours d’un (très bon) repas au restaurant du chef Éric Delerue (une étoile au Michelin), alors situé dans le village calaisien de Laventie.
Venus déjeuner chez lui sans le prévenir, l’architecte lillois Thomas Coldefy et Charles-Henri Marquet, le dirigeant de GMB Invest/ICM, ont une idée en tête.
La branche promotion immobilière de ce groupe industriel a acquis en 2013 une bâtisse qu’il est possible de détruire au cœur du Vieux-Lille, une opportunité rare. L’agence Coldefy, réputée notamment pour la réalisation l’Institut du Design de Hong Kong, a été choisie pour concevoir un immeuble de six étages sur le terrain libéré. Charles-Henri Marquet le veut iconique, à même de marquer les esprits.
« Une première version du projet était déjà faite, mais le bâtiment ne comportait que des logements. Le maître d’ouvrage cherchait un occupant de prestige pour le socle, qui occupe le rez-de-chaussée et le premier étage. Ce bas d’immeuble est très ouvert sur l’extérieur avec une porte d’accueil monumentale et des volumétries importantes », rappelle Simon Ducreu, directeur de projet de l’agence Coldefy.
« Ils sont venus me proposer ce lieu, ce qui tombait bien car je voulais revenir sur Lille. L’emplacement était bon, la surface extraordinaire, 206 m² en rez-de-chaussée et 450 m² pour le premier étage. Je n’ai pas hésité longtemps. Rapidement, l’idée m’est venue de proposer une brasserie en plus du restaurant gastronomique, et quatre chambres d’hôtes dans les étages », se souvient Éric Delerue. Il nomma l’adresse « Le Cerisier en Ville ».
S’adapter à cet environnement historique
Exceptionnel par le prestige de son occupant principal, « Le peuple Belge » l’est aussi par son emplacement. Bâti en face de l’hospice Comtesse, un édifice du 17ème siècle, l’immeuble haut de 21 mètres offre une vue très rare sur la capitale des Hauts-de-France. Mais, situé à l’angle d’une petite rue du Vieux-Lille et de l’Avenue du Peuple Belge, il doit s’adapter à cet environnement historique.
« Le Peuple Belge est flanqué sur sa gauche d’un R+6 existant datant des années 1950 et sur sa droite de maisons basses traditionnelles. D’où cette idée d’un volume en gradins, qui est une véritable articulation urbaine. Les Architectes des Bâtiments de France ont été convaincus », explique Simon Ducreu.
Un béton qui change en fonction de la luminosité
Très rapidement, le béton s’impose comme le matériau idoine dans l’esprit des concepteurs, commanditaires et futurs occupants du projet, animé d’un fort esprit de concorde.
« Le maître d’ouvrage souhaitait un bâtiment possédant une identité claire, d’où cette idée d’une matérialité unifiée », note Simon Ducreu. La traditionnelle brique du Nord ne s’y prêtait pas, au contraire du béton qui correspond bien à la trame de la façade, très ouverte au niveau du socle et qui se densifie au niveau des logements avec, pour les premiers étages, des terrasses en loggia afin d’assurer l’intimité puis, en hauteur, de larges ouvertures sur des terrasses pour profiter de la vue.
De plus, le béton rappelle celui du Tribunal de Grande Instance, un bâtiment des années 1970 qui fait face au Peuple Belge. Le béton est blanc teinté dans la masse, les agrégats étant de cette couleur. Il a également été poli en usine à l’aide de brosses abrasives, ce qui lui donne cet aspect lisse. La façade prend un aspect précieux, brillant, et qui change en fonction de la luminosité.
Comme un jeu de légo avec le béton préfabriqué
Exceptionnel, « Le Peuple Belge » l’est enfin par son mode constructif. « Le site est assez contraint et l’immeuble occupe 100% de la parcelle. De plus, il y avait des travaux en centre-ville, se rappelle Simon Ducreu, en charge du suivi de ce chantier débuté à l’été 2017 et achevé en avril 2019. Le choix a alors été fait de réaliser l’ensemble du bâtiment avec des éléments en béton préfabriqués. Tous les deux à trois jours, de nouvelles séries arrivaient. C’était comme un jeu de lego. »