En 2020, des “rockpools“ ont été installés sur la digue de Ouistreham. Pouvez-vous nous expliquer de quoi il s’agit ?
Nassim Sebaibi : Ce programme de rockpools a été initié dans le cadre de projet MARINEFF (Chef de file : ESITC Caen) par l’université britannique de Bournemouth, en partenariat avec une startup, qui en a déjà installé une centaine dans plusieurs ports au Royaume-Uni.
L’objectif de ces mini-piscines est de retenir l’eau après le passage des marées pour étudier et améliorer la biodiversité. Par ce biais, on recrée des lieux de vie artificiels qui imitent le naturel pour diverses espèces marines : tourteau, homard, bars, lieu, mollusques, algues…
À Ouistreham, les 24 rockpools ont ainsi été installés sur trois hauteurs différentes pour étudier l’impact des marées sur la colonisation des piscines et de la digue. Des biologistes de l’Université de Caen vont maintenant assurer un suivi scientifique de ces écosystèmes pendant deux ans.
Ces “rockpools” sont fabriqués en béton. Quelles recherches menez-vous sur ce matériau dans le cadre de ce projet ?
Nassim Sebaibi : Pour la réalisation des rockpools, le béton s’est avéré le matériau le plus approprié pour mouler les bassins, dont la surface extérieure est ensuite façonnée à la main, avec des trous et des cavités aux formes complexes, afin de favoriser l’accroche des espèces.
En plus de ses avantages technico-économiques, le béton présente des atouts en matière de durabilité dans le temps, de résistance au milieu marin et de bio-réceptivité. Cela fait plusieurs années qu’à l’École Supérieure d’Ingénieurs des Travaux de la Construction de Caen, nous menons des recherches sur l’utilisation du béton dans le cadre de la biodiversité marine, en utilisant des agrégats locaux ou éco-conçus adaptés au littoral normand.
Pour le projet de Ouistreham, nous avons ainsi étudié, en laboratoire, plusieurs formulations de béton, pour améliorer sa bio-réceptivité.
Vous menez d’autres expérimentations sur des installations maritimes en béton. Quels sont leurs objectifs ?
Nassim Sebaibi : Jusqu’à présent les infrastructures maritimes telles que les digues, les jetées, les quais ou les mouillages ne prenaient pas en compte la protection des écosystèmes. L’idée est donc d’améliorer l’environnement marin le long des côtes, en concevant des structures biomimétiques, qui imitent les habitats naturels et favorisent la biodiversité marine.
Dans le cadre du programme MARINEFF, l’ESITC Caen, en partenariat avec des universités et des organismes européens, a ainsi conçu des blocs d’enrochement artificiels au large de Cherbourg, des modules de prismes d’huîtres et des mouillages pour les bateaux, tous réalisés en béton. Ces installations font l’objet d’un suivi régulier de leur apport sur la biomasse, la biodiversité, et le développement des ressources halieutiques, avec l’objectif d’améliorer l’état écologique des eaux d’au moins 15 %.
Nous travaillons aussi à la transférabilité des infrastructures et à la mise au point de nouvelles méthodes de conception et de pose. Cette thématique environnementale a d’ailleurs été intégrée à notre Mastère Spécialisé “Expert en ouvrages maritimes et portuaires”.