Pouvez-vous nous rappeler ce qu’est le BFUP ?
François Toutlemonde : Très schématiquement, le Béton Fibré à Ultra-hautes Performances est un béton très compact contenant une forte quantité de petites fibres. Fortement dosé en liant et de faible teneur en eau, il comprend des granulats de faibles dimensions.
Cette formulation lui confère trois propriétés majeures : une excellente résistance à la compression ; une “ductilité”, ou non-fragilité à la rupture, liée à sa capacité à reprendre des tractions significatives après fissuration ; et enfin une grande durabilité.
Ce matériau novateur a-t-il atteint l’âge de la maturité ?
F.T. : Le BFUP résulte de plus de deux décennies de développement. Né en France de la recherche industrielle au début des années 90, son acte de baptême est la publication des recommandations de l’AFGC en 2002. Ces règles professionnelles ont permis de créer une vraie dynamique collective.
Après cette phase exploratoire et de maturation, le BFUP est réellement entré dans l’âge adulte en 2016, avec la publication de normes dédiées. On peut donc désormais le considérer comme une technique traditionnelle.
Dans quels domaines de la construction est-il utilisé ?
F.T. : Les excellentes performances et la remarquable durabilité du BFUP lui ont progressivement ouvert une large gamme d’applications. Il est aujourd’hui tout aussi bien employé pour des usages architecturaux (panneaux de façades, résilles, éléments de toitures…) que structurels (tabliers de pont, réparations d’ouvrages d’art…).
S’est-il diffusé de manière homogène dans le monde ?
F.T. : Depuis son invention, le BFUP s’est principalement développé en Europe (de façon très différenciée selon les pays), en Amérique du Nord et en Asie/Océanie. En Europe, si la France y fait appel pour ses qualités architecturales, la Suisse l’a quant à elle massivement employé comme revêtement de protection des tabliers de ses ponts. C’est aussi le cas de l’Amérique du Nord, où le BFUP a permis la remise à niveau de plus de 200 ouvrages d’art. L’Asie enfin, est le continent le plus prometteur, avec la Malaisie et la Chine comme têtes de pont.
La France est-elle en position de leadership ?
F.T. : La culture du BFUP est désormais acquise et partagée en France par le trio maîtrise d’ouvrage/maîtrise d’œuvre/entreprises ; la récente norme BFUP en est le symbole. Les centres de R&D mondiaux sont par ailleurs également implantés en France. Nous gardons un temps d’avance sur son utilisation, mais ce n’est pas un avantage acquis ad vitam aeternam.
Quelles sont les réalisations les plus emblématiques à ce jour ?
F.T. : Parmi les ouvrages les plus récents, l’incontournable MuCEM de Marseille – prix d’excellence 2015 de l’ACI(3) – et le nouveau Stade Jean Bouin ont permis au BFUP de franchir un cap important : celui de la crédibilité et de la popularité. La finesse de l’anneau du mémorial de N.-D. de Lorette ou la rénovation remarquable des viaducs de Chillon en Suisse sont, quant à elles, de superbes illustrations de sa pertinence pour les applications techniques.
Ce matériau va-t-il continuer à progresser ?
F.T. : On innove en permanence pour augmenter ou ajuster les qualités du BFUP, tout en optimisant les coûts de production. Les principales pistes de progrès sont liées aux process de mise en œuvre : garantir la répartition homogène des fibres dans tout le volume, et trouver la formulation adéquate pour des emplois de plus en plus variés.
(1) AFGC : Association Française de Génie Civil
(2) Ifsttar : Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux.
(3) ACI : American Concrete Institute, l’institut américain du béton