Représentantes de la jeune génération, Amélie et Émilie sont toutes les deux très sensibilisées aux enjeux environnementaux de notre époque et aux problématiques de demain pour les usagers et les bâtiments. En particulier l’impact du réchauffement climatique.
En 5e année d’étude d’ingénierie à ISA BTP, elles ont pu travailler le concours pendant leurs heures de cours de Recherche & développement. Pour elles, l’aventure a commencé en mars par un grand brainstorming : toutes les idées jetées en vrac sur un tableau avant de retirer celles qui étaient hors thème ou irréalisables. Au final, elles ont retenu quatre pistes concernant un béton thermique auto régulant, une solution utilisant des bactéries pour limiter la pollution lumineuse des villes et un béton cultivable pour végétaliser les villes.
En tant que futures professionnelles de la construction, êtes-vous sensibles aux questions d’environnement et de biomimétisme et prêtes à y répondre ?
Émilie : Il appartient à notre génération de mener une nouvelle réflexion plus durable et plus respectueuse de l’environnement pour répondre aux problématiques d’aujourd’hui.
Amélie : Dans le monde de la construction, il est essentiel d’avoir un regard critique sur la situation et de trouver des solutions pour limiter la pollution. La nature est très bien faite. Elle évolue depuis des millions d’années en s’adaptant à des conditions parfois extrêmes. Le biomimétisme est une solution logique sur laquelle il faut s’appuyer dans tous les secteurs d’activités.
Émilie : Le thème du biomimétisme constitue pour moi une partie de la réponse à apporter puisqu’en nous inspirant du vivant, nous nous inspirons de la force naturelle de survie des êtres vivants.
Pour le concours, vous avez fait l’état des lieux des innovations dans ce domaine pour l’architecture et l’urbanisme. Lesquelles vous ont le plus marqué ?
Émilie : Deux innovations en particulier.
La première est un additif pour la formulation d’un béton cicatrisant. Hendrik Marius et l’Université technologique de Delft aux Pays-Bas ont développé cet additif qui traite les fissures qui apparaissent dans le béton au cours du temps, de la même manière qu’un cicatrisant referme une plaie sur notre corps. Le phénomène se produit grâce à la présence d’une bactérie provenant des pierres volcaniques. Elle s’active au contact de l’eau, lorsque le béton est fissuré par exemple.
En plus de cette propriété régénérante, cet additif limite les risques d’infiltration. Cette solution a vu le jour en collaboration avec l’université de Delft et est aujourd’hui commercialisée par la start-up Basilisk.
La deuxième innovation concerne l’Eastgate Building, au Zimbawe. Il s’inspire des systèmes de ventilation des termitières pour réguler naturellement la ventilation du bâtiment ainsi que sa chaleur.
Vos solutions qui associent le béton à ces enjeux de biomimétisme viennent de gagner le concours. Pouvez-vous nous les présenter ?
Amélie : Nous avons proposé plusieurs solutions qui se focalisent sur le confort des usagers. Nous avons notamment étudié le confort thermique en imaginant une façade de béton s’autorégulant grâce à l’incorporation de la chitine, une molécule, présente dans la cuticule des insectes.
Elle a un pouvoir de stabilisation de la température dans le corps. Avec elle, en situation de surchauffe, les murs pourraient émettre des infrarouges. Inversement, lorsque la paroi serait en dessous du seuil naturel de la survie de la chitosane, elle diffuserait de la chaleur. Les murs permettraient ainsi de maintenir une température idéale et de réduire les consommations de chauffage en été et de climatisation en hiver.
Émilie : Nous avons également proposé des solutions pour diminuer la pollution lumineuse des villes en exploitant la bioluminescence de bactéries. L’idée serait de coupler des cyanobactéries produisant de l’hydrogène pour nourrir les bactéries bioluminescentes. La lumière produite serait dirigée vers le sol par une membrane réfléchissante courbée en béton. Cette dispersion contrôlée diminuerait les perturbations liées à l’altération des cycles naturels de la lumière qui peuvent modifier les comportements et les fonctions physiologiques de la flore et la faune environnantes.
Pour notre troisième projet, nous avons imaginé un béton cultivable pour produire naturellement des façades végétalisées. Dans un béton poreux préfabriqué, on incorporerait un mélange de terre et de graines en forme de serpentin. Les racines se développeraient à l’intérieur du réseau capillaire. Les plantes seraient choisies pour survivre à ce milieu très basique et leur résistance à des conditions de vie extrêmes : très fortes températures ou manque de lumière.
Amélie : Enfin, nous avons imaginé un béton absorbant des ondes sonores. Il est inspiré par un métamatériaux développé par un groupe de chercheurs européens sous forme d’une toile d’araignée.
Qu’en est-il de vos solutions en termes de faisabilité ?
Émilie : À l’heure actuelle, ce ne sont que des idées, des amorces de nouveaux matériaux qui se basent sur des principes physiques et des études en cours de développement.
Amélie : Ces solutions répondraient à des problématiques actuellement rencontrées. Les savants travaillent dessus et dans un futur proche, cela pourrait donner un résultat concluant.
En conclusion, le béton est-il un matériau d’avenir pour vous ?
Émilie : Le béton présente de nombreux atouts qui justifient son utilisation en masse. Il a une grande capacité d’adaptation aux formes et à la mise en œuvre et peut se travailler avec d’autres matières premières, matériaux bio sourcés ou issus du réemploi. C’est pourquoi il faut persévérer dans les recherches pour améliorer son bilan carbone, en particulier pour la confection du ciment. Si nous arrivons à avoir une empreinte carbone plus neutre, je pense que le béton restera un des matériaux phares de l’avenir.
Aucun doute, la ville du futur devra faire appel au biomimétisme pour s’adapter aux nouveaux défis environnementaux. Participer à ce développement tout en restant en harmonie avec la nature, avec une gestion vertueuse de l’énergie, un défi d’envergure pour les bétons de demain !