En quoi le BFUP est-il magique ? Et quelles sont, selon vous, les réalisations les plus exemplaires ?
Muriel Tissot : Par ses performances mécaniques, sa dimension esthétique et ses infinités de rendus, le BFUP est un matériau clé en termes de conception architecturale. Que ce soit en façade ou en dalle, pour des panneaux intérieurs, des escaliers ou des passerelles, le BFUP autorise toutes les audaces et expressions créatives. C’est un matériau caméléon qui s’adapte à tous les univers et que l’on peut décliner à l’infini pour obtenir ce que l’on veut, où l’on veut, ce qui est la définition même de la magie !
S’agissant des réalisations les plus exemplaires, les deux projets qui me viennent à l’esprit sont la verrière de la Mutualité Française à Paris, imaginée par Rudy Ricciotti, qui, par sa transparence et sa légèreté, évoque une aile de libellule, et l’Anneau de la Mémoire d’Ablain-Saint-Nazaire, conçu par Philippe Prost, qui exprime l’ampleur monumentale et épurée de la structure. De véritables œuvres d’art !
Votre entreprise Taporo est spécialiste du BFUP depuis vingt ans. Vous nous racontez ?
M. T. : Je suis tombée amoureuse de ce matériau, un peu par hasard et de manière tout à fait expérimentale, en fabriquant une série de meubles pour le salon Maison&Objet. Après plusieurs années à expérimenter et à domestiquer la complexité du BFUP, nous avons décroché un contrat d’ampleur avec Dior pour l’aménagement de ses boutiques, et l’aventure Taporo a décollé en 2012 avec l’installation de notre usine de préfabrication à Decize.
Très vite, nous avons décidé de faire travailler toute la chaîne de valeur — architectes, designers, moulistes, bureaux d’études, entreprises générales — pour concevoir les projets en amont, les rendre économiquement et techniquement viables, et éviter les déconvenues.
Aujourd’hui, 60 % de notre activité concerne des façades, 20 % des aménagements spécifiques, habillages, murets et dalles, et le reste, des sculptures et œuvres d’art.
À quelles principales difficultés êtes-vous confrontée avec ce matériau ?
M. T. : Le BFUP est un matériau technique et complexe qu’il faut connaître, expérimenter et capitaliser pour le maîtriser et, parfois, le rattraper, comme en cuisine. De ce point de vue, la qualité du moule est fondamentale pour le résultat final, d’où l’importance du choix des partenaires.
Sous l’effet des normes environnementales et des contraintes de coûts, les formulations des cimentiers ont tendance à évoluer, ce qui implique de s’adapter au niveau de la mise en œuvre. Chaque projet étant unique, il faut aussi savoir anticiper les écueils, respecter les process et s’adapter aux conditions réelles de production pour garantir le meilleur résultat et répondre aux conformités. D’où l’intérêt de former davantage d’ingénieurs à ce matériau, notamment pour les bureaux d’études et de contrôle.
Parmi les nombreux projets auxquels vous avez contribué aux côtés d’architectes réputés, lesquels vous semblent les plus emblématiques ?
M. T. : Notre premier projet d’envergure a été un puits de lumière pyramidal, destiné à un immeuble de la place Vendôme conçu par les architectes Naud & Poux. Un chantier qui a impliqué une grande rigueur d’exécution avec 233 moules de géométries différentes et des systèmes de fixation particulièrement complexes. Parmi nos autres grands projets, citons la façade brise-soleil en résille du siège social de Cepovett, signée Pierre Minassian et réalisée avec 35 formats de panneaux, ainsi que le rooftop des Galeries Lafayette, conçu par Franklin Azzi et constitué de 1 600 m² de dalles sur plot, emmarchements, gradins, rampe PMR, habillage de murets mono-matériau… Un chantier complexe, mené pendant la crise Covid, que nous sommes fiers d’avoir achevé dans les délais avec une grande agilité d’exécution.
Mentionnons aussi notre collaboration avec Eva Jospin sur les panneaux en forme de rochers de la gare du Kremlin-Bicêtre.
Comment voyez-vous l’avenir du BFUP ?
M. T. : Démocratisé depuis à peine plus de deux décennies, c’est un matériau qui a investi l’univers de la construction, des façades aux aménagements intérieurs jusqu’aux ouvrages d’art et passerelles de mobilité douce. Plébiscité pour ses capacités mécaniques et esthétiques, le BFUP s’avère aussi exceptionnel pour sa durabilité et son faible besoin d’entretien.
De plus en plus envisagé par les architectes et les maîtres d’ouvrage, c’est un matériau qui va continuer à se démocratiser, y compris chez les particuliers. Je pense que nous sommes à l’aube de ce qu’il sera dans les systèmes constructifs de demain.