Christian de Portzamparc pour Cheval blanc, Jean Nouvel pour La Dominique, Philippe Stark pour Les Carmes Haut-Brion… Depuis une dizaine d’année, les grands vignobles français font appel à des architectes de renom pour sublimer leur chai et en faire des lieux de visite touristique, porteur de l’image de marque de l’exploitation et non plus seulement des sites de production.
Le Château Haut-Bailly, propriété emblématique de l’appellation Pessac-Léognan dans le Bordelais, a voulu relever le défi avec un nouveau chais circulaire et aux deux tiers enterré, à la fois furtif et spectaculaire, qui a accueilli ses premières vendanges en septembre 2021.
« Le projet a fait l’objet d’un échange pendant six mois avec le maître d’ouvrage car l’objectif n’était pas seulement de construire un bâtiment mais aussi de l’intégrer au mieux à l’ensemble du domaine afin notamment que le nouveau chai ne vienne pas en compétition avec le château qui est le centre de la composition, explique Daniel Romeo, le fondateur de l’Agence Romeo Architecture en charge du projet. Dans cet esprit, le nouvel équipement s’inscrit dans une continuité topographique avec le château, en légère déclivité, raison pour laquelle nous avons découpé et relevé le socle pour glisser les fonctions programmatiques en dessous tandis que des porte-à-faux de 6,5 mètres viennent prolonger le jardin paysager. »
Le toit végétalisé et vrillé s’insère dans le paysage et constitue une protection contre les variations de températures. C’est pour cette même raison que le béton a été choisi pour la structure du chai lui-même, les propriétés d’inertie thermique du matériau faisant ici merveille. L’espace accueillant les cuves n’est ainsi ni chauffé, ni refroidi.
Des cuves-sculptures
Si l’extérieur du bâtiment se veut sobre, l’intérieur est ouvertement spectaculaire grâce notamment à un dôme de 38 mètres de diamètre sans poteaux. Ce socle majestueux vient recouvrir une salle de 1 500 m² accueillant 44 cuves entièrement en béton, y compris l’intérieur puisque seul de l’acide tartrique, un matériau naturel issu de la vigne, y est projeté pour constituer une pellicule imperméable et étanche.
« Ce sont de véritables sculptures qui font entre 10 et 15 tonnes à vide, 4 mètres de haut et 2,5 de diamètre souligne Daniel Romeo. Lorsque le visiteur arrive sur la passerelle, il est comme suspendu au-dessus d’elles, puis il peut descendre par un escalier circulaire au cœur de cette zone de travail où il se retrouve compressé contre les cuves. Cela crée une impression forte qui rappelle la puissance d’un très bon vin, ce côté tourbillonnant que notre palais garde en mémoire. Le bâtiment, par ces formes, donne un ressenti spatial que j’espère analogue. »
Sous la salle cuves, le chai à barriques d’une surface identique est lui équipé en chauffage et refroidissement pour assurer une température constante de 17 degrés Celsius.
Outre ses qualités thermiques, le choix du béton a également été fait pour son aspect pérenne qui correspond au contexte patrimonial dans lequel le chai s’insère, l’ensemble de la zone étant classé monument historique.
Si le béton d’une couleur très claire en raison d’un granulat blanc, est d’une composition classique, un travail d’orfèvre a été réalisé sur les coffrages.
Réalisés sur mesure en raison des formes sinusoïdales du chai, ils ont permis de produire un béton lisse et brut du plus bel effet, notamment pour la voûte coulée d’un seul tenant en une seule et même nuit.