J’ai installé mon atelier il y a vingt ans aux Frigos de Paris. Pour aborder le portrait, j’ai beaucoup travaillé sur des représentations historiques d’après des tableaux et des dessins des XVIIe et XVIIIe siècles. Une première série de vingt portraits en bas-relief, commandée par les Archives nationales pour son site de Pierrefitte sur Seine, réalisée avec le plasticien Pascal Convert et le maître verrrier Olivier Juteau, a été coulée dans des dalles de verre.
Je suis aussi inspiré par les formes féminines en général comme les Vénus ou les petites faunesses. Torso est une statue de béton créée pour un architecte qui ne pensait pas qu’on pouvait faire des choses aussi fines en béton.
Et les portraits de béton ?
La série « Rue en faces » est une façon de participer à la vie du quartier puisqu’elle est constituée de portraits des hommes et femmes célèbres à qui une rue est dédiée dans le XIIIe arrondissement. Olivier Messiaen, Françoise Dolto, Marguerite Duras, Simone de Beauvoir, Louise Bourgeois, Pablo Casal et Van Dongen sont déjà accrochés sur les grilles du jardin des Grands Moulins.
Cette collection d’artistes et d’écrivains du xxe siècle a débuté il y a trois ans et je vais la compléter : Paul Klee et Jean Arp ont aussi leur rue près d’ici.
Ces visages sont pleins d’humanité, quelle est votre méthode de travail ?
Ce travail est la synthèse de trente ans d’expérience. J’aborde le relief à ma propre façon, très différente de la technique des médaillistes. Je ne veux surtout pas rentrer dans des caricatures mais garder l’essentiel du portrait en sortant du réalisme. Je choisis les photos de mes modèles qui me paraissent les plus intéressantes plastiquement. Je recherche la spontanéité dans le geste, le lâcher prise. Ces portraits en béton doivent être tout à la fois fins et solides. Je joue avec l’épaisseur des armatures, la taille et la composition.
Par précaution, j’utilise un béton sous-marin lors du coulage. C’est un matériau facile à employer qui donne de bons résultats de solidité et d’aspect. On pense souvent brut de décoffrage à propos du béton mais l’aspect obtenu peut être très fin en réalité. Ils sont patinés après le démoulage pour les protéger des intempéries.
Quand le béton donne une âme aux rues des villes
J’approche les mairies pour décliner ce projet. Chaque ville a une personne à honorer. L’idée de ces projets discrets, presque intimes, est très bien accueillie. Appliqués sur un mur en béton très épuré, ils fonctionnent bien. On m’avait dit que les portraits seraient tagués en deux semaines, les plus anciens tiennent bien depuis trois ans ! Ces portraits donnent plus d’identité à une rue, ils sont des signes de reconnaissance pour les habitants et ils apportent un peu d’humanité à l’architecture moderne.