Votre parcours est une recherche de liberté
Sophie Bocher : Mon parcours est atypique puisque j’ai commencé, adolescente, par la photographie en noir et blanc. De 18 à 25 ans, j’ai surtout dessiné et peint. Dix ans dans l’enseignement et la pratique de la sculpture ont suivi.
Depuis sept ans, je me consacre, enfin, exclusivement à la sculpture. Photo ou peinture, la contrainte du réel en deux dimensions me gênait.
Travailler à partir d’un pain de terre, en trois dimensions, a été pour moi une révélation, la découverte d’une véritable créativité et une belle équation entre la matière minérale et la création.
J’ai besoin d’une grande liberté formelle. La base de mon travail est souvent le grès qui me permet aussi bien le trait tranché que la courbe qui adoucit. Je ne pourrais pas travailler le béton brut directement. Je travaille en collaboration ensuite avec des fonderies pour les bronzes (Paumelle, Rosini), et un mouleur pour les tirages en résine et en béton que je personnalise en atelier.
Béton brut, ciré ou patiné…les finitions sont importantes pour vous ?
Sophie Bocher : Le béton, brut et non teinté, est coulé dans des moules en plâtre souvent constitués de plusieurs parties. Les plans de joint apparaitront ou pas. Pour obtenir un béton très lisse, je mélange deux tiers de béton avec un tiers de ciment.
Mes œuvres en béton pour des questions de poids sont souvent de petites tailles (30 cm). J’élabore aussi des œuvres ludiques en plusieurs pièces pour que le collectionneur puisse se réapproprier mon travail.J’adore la minéralité du béton. Selon la finition choisie, brute ou cirée, il sera poncé et patiné. La cire finit bien le travail et apporte sa douceur. En fonction de l’œuvre, je la mélange avec des pigments qui peuvent être appliqués au pinceau ou soufflés.
On pense à Henry Moore ou Brancusi en voyant vos œuvres, qu’est-ce qui nourrit votre travail ?
Sophie Bocher : Mon travail est chargé bien sûr de l’art du xxe siècle mais aussi d’autres ’influences historiques. Il est l’héritier de l’art grec archaïque ou cycladique. Mes œuvres portent parfois des noms grecs, comme Agora, Gaïa ou Thaïs par exemple. Amour brut, pour sa part est inspiré d’un couple peint sur un sarcophage romain du Louvre.
L’art religieux médiéval hiératique est une autre source d’inspiration au même titre que les galets ou les bois flottés car je suis toujours à la recherche de l’épure pour retrouver le caractère sacré de la sculpture. Depuis quelques années, le yoga m’a apporté une nouvelle dimension et un travail sur les énergies très sensible dans Bouddha et Souffle infini.
Dans quel esprit travaillez-vous ?
Sophie Bocher : Que ce soit pour un collectionneur, un architecte, une galerie ou des boutiques, je cherche toujours à exprimer l’harmonie et une forme de plénitude généreuse. Mes formes sont aux frontières de l’art et du design. Quand un architecte me passe commande, l’œuvre doit s’insérer dans son projet. J’aime qu’elle inspire le bien-être, qu’elle soit belle et agréable.
Le béton prend très bien la lumière et plusieurs sculptures ont été utilisées pour des séances photo : Totem par Roche-Bobois et Tango pour l’éditeur de tissus Pierre Frey, par exemple. Mes sculptures ont aussi dialogué avec les créations design du show-room parisien de Gilles et Baissier.
Quels sont vos projets et quel regard portez-vous sur votre chemin d’artiste ?
Sophie Bocher : J’ai répondu exceptionnellement à un appel à projet sur des grands médaillons sur des façades de lotissement à Saint Denis. Mais je suis un Électron libre et les appels d’offre recherchent plutôt des profils « beaux-Arts ». Cela va peut-être changer depuis que j’ai réalisé des œuvres dans le cadre de la convention « 1 immeuble, 1 œuvre ».
Je suis dans un processus de création au jour le jour. Mon chemin se dessine au fur et à mesure et j’ai l’impression d’aller dans la bonne direction. Observatrice de mon travail, je vois mes œuvres prendre du sens les unes par rapport aux autres.
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