Qui était Morog ?
Formé à l’école des Beaux-Arts de Paris, Jean-Paul Delhumeau, alias Denis Morog ou « Morog » a commencé par être graveur sur cuivre.
De ce premier métier, il conservera toute sa vie la culture et un mode penser « en creux » et inversé. Travailleur solitaire, ce designer urbain a l’imaginaire d’un artiste.
Seul dans son atelier, il dessine, imagine et teste le vieillissement de ses maquettes. Plus tard, elles seront adaptées sur les chantiers par les entrepreneurs et les ingénieurs. Dans le processus de construction, Morog intervient aussi bien en amont pour les positionner, qu’en aval s’il faut modifier les coffrages avant de les couler dans la masse.
En lien avec tous les corps de métier du chantier, il connaît toutes les carrières de France et sait exactement, quand il formule son béton, de quelle région faire venir les granulats pour obtenir la bonne teinte. Une expertise du béton qui a fait de lui le conseiller de grandes entreprises et un travail de plasticien mis en œuvre avec de nombreux architectes.
Une relation en béton avec les architectes
Morog a une relation privilégiée avec les architectes. Ils intègrent ses œuvres dans la masse de leurs bâtiments. Des pointures comme Jacques Perrin-Fayolle – grand prix de Rome – ou Maurice Novarina apprécient ses bas-reliefs qui apportent un supplément d’âme à leurs bâtiments.
De Lille à Monaco, Morog travaille beaucoup, avec une prédilection pour la région lyonnaise. Parmi bien d’autres réalisations entre Lyon et Villeurbanne, il a travaillé sur la Maison de l’Orient, la Bibliothèque municipale, la cité hospitalière Louis Pradel ou le Campus Lyontech-La Doua.
La grande fresque de l’évolution sur le campus de La Doua
L’artiste s’exprime aussi bien sur de petites surfaces que sur les cent mètres de la fresque de Darwin de La Doua à Villeurbanne en 1970. Toute la palette du béton vibre dans cette épopée de la Terre incrustée dans l’architecture de Perrin-Fayolle : ici des traces de fossiles, là les cratères de la surface de la Lune ou des atomes. Les séquences se suivent comme sur les vitraux d’une cathédrale : apparition des végétaux, puis des animaux, et l’Homme enfin.
Dans toutes ses œuvres, pour mieux faire jouer la lumière, Morog module la profondeur de ses reliefs.
La décoration de l’Hôtel de région de Bourgogne à Dijon
En 1976, l’achitecte Roger-Martin Barade, travaille sur le chantier de l’Hôtel de région de Bourgogne à Dijon. Pour le hall, après avoir imaginé une tapisserie puis une paroi d’inox, il se décide pour une décoration en béton et prend contact avec Morog. De 1977 à 1980, celui-ci va concevoir une composition magistrale en béton architectonique. L’artiste réalise tous les coffrages. Pour ajuster la profondeur du motif, il creuse en le chauffant le polystyrène des moules qui seront utilisés par l’entrepreneur pour couler les panneaux. Composé de cercles et de lignes droites, le décor est abstrait. Foisonnant, il recouvre la totalité de la surface. Chaque panneau est une œuvre unique.
Une empreinte durable, de Annecy à Monaco
En 1980, l’architecte Maurice Novarina, confie à Morog la réalisation de panneaux décor en béton moulé pour le centre culturel Bonlieu à Annecy. Novarina a la réputation de chercher la perfection dans la mise en œuvre de ses bétons. Il alterne les surfaces d’un béton ultra lisse avec des modénatures graphiques. Morog a aussi laissé son empreinte durablement sur le rocher de Monaco, en particulier sur la façade de l’école des Révoires. Une empreinte durable puisque les enfants des écoles participent à des ateliers qui s’inspirent de sa technique de bas-relief en béton matricé.
Étonnamment, le travail de Morog n’est presque jamais entré dans le cadre du 1% artistique qui finance des œuvres d’art contemporain dans la construction. Il est vrai que « 1 % » c’est bien peu pour un des plus grands plasticiens du béton.
Dans deux ouvrages, Le beau béton (1981) et Art et matières (2001), il partage sa passion pour le béton : « On peut penser béton et couleurs, on peut penser béton léger, béton lourd, béton œuvre d’art, béton poli, béton rugueux. Le beau béton cela existe… »