Quelles sont vos sources d’inspiration formelle ?
Bertrand Pigeon : En premier lieu, la Nature et l’observation pragmatique de son évolution, ainsi que la circulation de l’Homme dans son environnement.
Pendant mes études, j’ai été très influencé par le cubisme (Archipenko, Pevner, Zadkine). Tous ceux qui ont développé une recherche sur la représentation du trait dans l’espace m’intéressent, tels que Moore, Giacometti, mais aussi la calligraphie orientale.
L’expressionisme également, pour la recherche intérieure (en peinture Munsch, Schiele ainsi que l’expressionniste abstrait Rothko).
La dualité du vide et du plein, la recherche du noumen dans mon expression plastique, m’ont conduit à vivre différentes histoires créatrices. Cela va de pièces instantanées, liées à une charge émotionnelle, réalisées de manière impulsive, à des créations très structurées tel que le Jeu d’Échecs.
Le béton a une place particulière dans votre production, pourquoi ?
Bertrand Pigeon : Je travaille le ciment et le béton, depuis mes études à l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts, dans l’atelier de Michel Charpentier qui enseigna avec ce média. Ce matériau est résolument contemporain, et me permet d’ancrer mon acte créatif dans le présent. Il est aussi très accessible.
D’autre part, le béton est multiple dans son expression, et agressif dans sa mise en œuvre, ce qui fait partie de l’aventure créatrice à chaque nouvelle fois. Je l’utilise toujours avec une certaine appréhension.
À chaque fois que je le manipule, c’est lui qui guide mon esprit. L’écoute et l’échange avec ce matériau revêtent alors une intimité très particulière.
« Pour chaque artiste, l’Art est un courant créateur ascendant vers la découverte individuelle de la vérité dans les formes de la nature. »
Archipenko
Comment travaillez-vous cette matière ?
Bertrand Pigeon : J’utilise la technique du modelé. Les sculptures sont réalisées comme une maison. Il y a un socle, généralement en acier, qui exprime le terrain sur lequel on se meut. Ensuite, l’âme de la pièce, l’armature », qui me permet de dépasser les contraintes de l’équilibre.
Autour de celle-ci, j’applique mon béton à la main, tel un modelé. La pièce est ensuite disquée, puis patinée avec des pigments, et protégée par l’application d’un durcisseur de surface.
Pour les empreintes, je n’utilise que du ciment, deux sortes de ciment pur. L’idée que ce liant change radicalement de fonction, en devenant lui-même média créatif, esthétique, lié à son tour, me séduit.
Le béton en 5 qualificatifs
Bertrand Pigeon : Entier, sans concession, et en même temps très malléable. Il doit se fabriquer (non prêt à l’emploi) – Polymorphe – Exigeant – Puissant.