Comment est née cette idée de photographier l’art d’autoroute ?
J’ai passé mon diplôme supérieur d’Art appliqué à l’École Olivier de Serre. Un cursus qui prépare à beaucoup de disciplines artistiques : architecture, graphisme, design mais aussi vidéo et photographie. J’ai choisi d’approfondir le graphisme, essentiellement dans le secteur culturel, et la photo. J’avais ce thème des autoroutes en tête depuis longtemps. Ma « madeleine » est le Signe Infini de Marta Pan, près d’Ambérieux. Elle m’intriguait adolescent. Sur la route des vacances, je me demandais « Qu’est-ce c’est que ce truc-là »? Il y a dix ans, j’ai proposé au Centre national des arts plastiques (Cnap) de faire un inventaire de ces statues. Il m’a accordé une bourse de recherche.
Vous avez eu accès aux archives des autoroutes ?
Absolument pas ! Les sociétés d’autoroutes n’ont presque pas de documentation, les rapports sont introuvables et les interlocuteurs souvent à la retraite. Il m’a fallu deux ans de préparation et de recherches annexes pour constituer une carte avec les points identifiés et préparer les itinéraires. Beaucoup dépendent du 1 pour 1000 prévu dans le budget des autoroutes mais pas toutes. Il y a par exemple des œuvres de béton pensées par les architectes en lien avec une aire de repos. Ils ont réfléchi à des solutions pour embellir le paysage.
Comment avez-vous optimisé votre itinéraire ?
Pour être le plus efficace possible, j’ai fait des circuits en boucles de 800 à plus de 2 000 km. J’ai dû m’organiser pour faire les prises de vues dans les deux sens d’autoroute. J’ai parcouru toute la France : du monolithique Signal d’Hensie de Jacques Moeschal à la frontière franco-belge, jusqu’aux Trois arches d’aqueduc et galères d’Olivier de Rohosinsky, sur l’A8, près de Fréjus.
Vous avez rencontré les artistes ?
Quand c’était possible. Jacques Tissinier par exemple, m’a proposé de passer à son atelier de Bobigny où il conservait les maquettes de ses Chevaliers Cathares en béton installés sur l’A20 un peu avant Narbonne. Ils symbolisent les chevaliers qui protégeaient le pays des invasions. Il m’a montré le DVD de l’installation en 1982 !
Les œuvres sont colossales
Sur l’autoroute des Titans, un pilier de pont en béton est posé au milieu de nulle part. C’est un extrait du pont construit à quelques kilomètres de là. La colonne de béton « antique » de Anne et Patrick Poirier sur l’A89 est un autre exemple de gigantisme. Elle est constituée de douze anneaux de béton armé de cinq mètres de diamètre.
Le béton est facile à photographier ?
Le béton est un matériau neutre qui ne pose pas les problèmes de variations de reflet et de lumière. L’univers de l’autoroute en revanche est imperméable à l’imprévu. Je suis parti seul et j’ai pris le moins de risques possibles. Il a fallu tout de même enjamber des barrières avec mon gilet de sécurité. La moitié des photos ont été prises à l’argentique, l’autre moitié avec un appareil numérique.
Vous continuez l’inventaire ?
En tout j’ai sélectionné 71 œuvres pour le livre. Ma liste n’est pas exhaustive et depuis le début du projet certaines ont été volées, déplacées ou détruites, de nouvelles œuvres ont été installées. On entre maintenant dans la phase « promotion » de ce long travail qui est présenté dans l’édition.