Les statues qui « marchent »
Tout a commencé sur l’île de Pâques. C’est là que Brandon Clifford découvre comment les fameuses statues ont, selon les habitants locaux, « marché » pour se retrouver à des emplacements difficiles d’accès. Professeur au MIT, il a co-fondé l’atelier Matter Design où travaillent d’autres chercheurs du célèbre institut du Massachusets. Ils ont ainsi percé le secret des statues de l’île de Pâques. Il réside dans leur forme si particulière qui a déplacé le centre de gravité du bloc ainsi créé et facilité le déplacement. Comment s’inspirer de cette méthode pour développer de nouvelles méthodes de construction ? Écartant le recours à la pierre, il se tourne vers le béton et prend contact avec un fabricant de dimension mondiale (Cemex) qui a accepté de l’accompagner dans ses recherches.
Combiner des bétons de différentes densités
Le béton dispose en effet des capacités requises pour créer des blocs dont le centre de gravité peut se déplacer en fonction du mouvement qui leur est imprimé.
Il fallait cependant mettre en œuvre une technologie spécifique, explique Davide Zampini, responsable monde de la R&D de Cemex : « Nous avons créé un dispositif qui permet de combiner dans un seul volume des bétons de densités différentes tout en conservant la solidité propre au matériau. Il a ensuite fallu créer les formes pour tirer le meilleur parti de ces combinaisons de densités afin de rendre possible le déplacement de ces pièces avec simplement la force humaine. »
La production a soulevé une autre difficulté. Les équipes de R&D de Cemex ont dû élaborer des moules spécifiques et vérifier que les éléments ainsi créés pouvaient s’emboîter et rester solidaires.
Des constructions dans trois ans ?
Le premier prototype – une série de volumes pouvant être assemblées par la seule force humaine – a démontré que le concept était viable. Depuis, il a évolué avec la possibilité d’accrocher à volonté des poids aux volumes afin de modifier facilement leur centre de gravité. Il devient ainsi plus facile de les déplacer et de multiplier les possibilités d’assemblage.
Un tel dispositif ouvre la voie à des méthodes de construction moins coûteuses. Il évite le recours aux moyens habituellement mobilisés pour toute construction (grue, outil de manutention, étaiement, etc.) tout en simplifiant l’assemblage des éléments. « Notre projet a pour but de stimuler l’innovation dans le champ de la construction », indique Davide Zampini.
Une ambition d’autant plus fondée que cette nouvelle méthode répond à un autre enjeu. Alors que les constructions actuelles sont destinées à un seul usage, le temps les amène à remplir des missions non prévues initialement.
La méthode des blocs à densité variable pourrait répondre à cet enjeu en réduisant le coût des aménagements futurs.
Les concepteurs de ce nouveau système envisagent même de l’appliquer dans des situations comme celles résultant d’un tremblement de terre. Il serait alors possible de récupérer les blocs de béton des immeubles détruits et de les assembler de nouveau pour produire de nouvelles constructions.
Malgré l’inventivité et la radicalité du système, Davide Zampini se montre optimiste sur la suite : « Si nous parvenons à intéresser les acteurs du marché, il est possible d’imaginer des constructions réelles à une échéance de 2 ou 3 ans. »